Les Derniers Jours de Pompéi
tablinum, communiquaient avec une longue galerie ouverte aux deux extrémités sur des terrasses. Entre les terrasses, on voyait une grande salle attenant à la partie centrale de la galerie, et dans laquelle était dressée la table du banquet. Toutes ces pièces, quoique à peu près au niveau de la rue, étaient situées à un étage au-dessus du jardin, et les terrasses qui succédaient à la galerie se continuaient en corridors élevés au-dessus des colonnes dont le jardin, à droite et à gauche, était environné.
Au-dessous, et de plain-pied avec le jardin, s’étendait l’appartement de Julia, déjà décrit.
Diomède recevait ses hôtes dans la galerie que nous venons de signaler.
Le marchand affichait des prétentions aux belles-lettres, et, par suite, montrait une sorte de passion pour tout ce qui était grec. Il marqua à Glaucus une attention toute particulière.
« Vous verrez, mon ami, dit-il en faisant un geste de la main, que je suis ici un peu classique, un petit enfant de Cécrops… Eh !… la salle dans laquelle nous souperons est d’un style grec. C’est un œcus cyzicene. Noble Salluste, on m’a assuré que Rome ne possédait pas d’appartements de ce genre.
– Oh ! répliqua Salluste, souriant à moitié. Vous autres Pompéiens, vous savez combiner ensemble la Grèce et Rome. Puissent les mets que vous allez nous servir ressembler à votre architecture.
– Vous verrez, vous verrez, mon Salluste, répondit le marchand, nous avons du goût à Pompéi, et de l’argent aussi.
– Ce sont deux excellentes choses, reprit Salluste ; mais voici la belle Julia. »
La plus notable différence, comme je l’ai déjà remarqué, entre les mœurs romaines et les mœurs athéniennes, c’était que, chez les Romains, les femmes modestes n’assistaient que rarement, si elles y assistaient jamais, aux banquets de ce genre ; tandis que chez les Grecs, elles en étaient l’ornement. Seulement, lorsqu’elles prenaient part à ces fêtes, le repas finissait ordinairement de bonne heure.
Magnifiquement vêtue d’une robe blanche, brodée de perles et de fils d’or, la superbe Julia entra donc dans l’appartement.
À peine avait-elle répondu aux saluts de deux convives, que Pansa et sa femme, Lépidus, Claudius, le sénateur romain, entrèrent en même temps. Vinrent bientôt la veuve Fulvia ; puis le poète Fulvius, qui ressemblait à la veuve par le nom et par son esprit féminin ; le guerrier d’Herculanum, accompagné de son ombre {63} , se présenta ensuite d’un air martial ; enfin parurent les hôtes moins éminents. Ione était attendue.
C’était la mode, dans la courtoisie ancienne, d’user d’une politesse flatteuse les uns envers les autres ; c’était une preuve de mauvaise éducation que de s’asseoir immédiatement en entrant dans une maison. Après les salutations d’entrée, qui se faisaient habituellement comme chez nous par une cordiale poignée de main, ou par un embrassement plus familier, les premières minutes s’écoulaient à examiner l’appartement, à en admirer les bronzes, les peintures, les ornements divers : mode qui paraîtrait très impolie en Angleterre, où le suprême bon ton réside dans l’indifférence. Nous ne voudrions pas pour tout au monde exprimer notre admiration pour la maison d’un autre, dans la crainte qu’il ne pensât que nous n’avons jamais rien vu de pareil avant d’y entrer.
« Belle statue de Bacchus ! dit le sénateur.
– Pure bagatelle, répliqua Diomède.
– Quelles charmantes peintures ! dit Fulvia.
– Bagatelles, bagatelles ! répétait le propriétaire.
– Magnifiques candélabres ! s’écria le guerrier.
– Magnifiques ! murmura son ombre.
– Bagatelles, bagatelles ! » répétait toujours le marchand. Glaucus, pendant ce temps-là, se trouvait à côté de la belle Julia, près de l’une des fenêtres qui donnaient sur la terrasse.
« Est-ce une vertu athénienne, Glaucus, dit la fille du marchand, d’éviter les personnes que nous avons recherchées autrefois ?
– Non, belle Julia.
– Il me semble néanmoins que c’est une des qualités de Glaucus.
– Glaucus n’a jamais évité un ami, dit le Grec en appuyant sur le mot.
– Julia peut-elle être mise au rang de ses amis ?
– L’empereur lui-même serait flatté de rencontrer un ami dans un être si charmant.
– Vous éludez ma question, reprit l’amoureuse Julia ; mais dites-moi, est-il vrai que
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