Les Derniers Jours de Pompéi
vous admiriez la Napolitaine Ione ?
– La beauté ne nous force-t-elle pas toujours à l’admiration ?
– Grec subtil, vous ne voulez pas me comprendre ; mais, répondez, Julia serait-elle vraiment votre amie ?
– Si elle m’accorde cette faveur, j’en bénirai les dieux. Le jour où elle m’honorera de son amitié sera marqué en blanc.
– Cependant, tandis que vous me parlez, votre regard est inquiet… vous avez changé plusieurs fois de couleur… vous vous éloignez involontairement ; vous brûlez d’aller rejoindre Ione. »
Ione entrait en ce moment, et Ione avait, en effet, trahi son émotion aux yeux de sa jalouse et belle rivale.
« L’admiration pour une femme peut-elle donc me rendre indigne de l’amitié d’une autre ? Ne donnez pas ainsi raison, Julia, aux attaques des poètes contre votre sexe.
– C’est juste… ou du moins j’essayerai de le penser. Un moment encore, Glaucus. Est-il vrai que vous allez épouser Ione ?
– Si le destin le permet, c’est mon espérance la plus chère.
– Acceptez donc de moi, comme un gage de notre nouvelle amitié, un présent pour votre fiancée. C’est l’usage entre amis, vous le savez, d’offrir au fiancé ou à la fiancée quelque chose qui prouve notre estime et nos souhaits favorables.
– Julia, je ne puis refuser de votre main aucun présent d’amitié. Je recevrai le vôtre comme si la fortune me l’offrait elle-même.
– Alors, après la fête, lorsque les convives se seront retirés, descendez dans mon appartement, et vous recevrez un don de ma main. Souvenez-vous de cela », ajouta-t-elle en rejoignant la femme de Pansa et en laissant Glaucus aller à la rencontre d’Ione.
La veuve Fulvia et l’épouse de Pansa étaient engagées dans une haute et grave discussion.
« Ô Fulvia ! je vous assure que les dernières nouvelles de Rome nous apprennent que la mode de faire friser les cheveux est déjà passée ; on les porte seulement arrangés en forme de tour, comme ceux de Julia, ou bien disposés à la façon « galérienne », comme un « casque » ainsi que vous pouvez voir les miens. Je vous atteste que Vespius (Vespius était le héros d’Herculanum) les aime beaucoup ainsi.
– Et personne ne porte les cheveux à la grecque, comme cette Napolitaine ?
– Quoi ! séparés sur le front, avec un nœud derrière ? Oh ! non ; comme cela est ridicule ! On dirait une statue de Diane ! Cependant cette Ione est belle… oui.
– Les hommes le disent ; mais elle est riche aussi ; elle va épouser l’Athénien ; je leur souhaite du bonheur. Il ne sera pas longtemps fidèle, je pense… Ces étrangers sont tous sans foi.
– Julia, dit Fulvia à la fille du marchand en s’approchant d’eux, avez-vous vu le nouveau tigre ?
– Non.
– Comment ! toutes les dames sont allées le voir. Il est si beau !
– J’espère qu’on trouvera quelque criminel ou tout autre combattant pour lui et pour le lion, répondit Julia. Votre mari, continua-t-elle en se tournant vers la femme de Pansa, n’est pas aussi actif qu’il devrait l’être dans cette affaire.
– Les lois, en vérité, sont trop indulgentes, reprit la dame au casque ; il y a trop peu de crimes pour lesquels on réserve le supplice des Arènes : aussi les gladiateurs deviennent des efféminés. Les plus audacieux bestiaires déclarent qu’ils veulent bien combattre un sanglier ou un taureau ; mais quand il s’agit de lions ou de tigres, ils se font prier. Le jeu leur paraît trop dangereux.
– Ils sont dignes de porter des mitres {64} , reprit Julia avec dédain.
– Oh ! avez-vous vu la nouvelle maison de Fulvius, de notre cher poète ? dit la femme de Pansa.
– Non ; est-elle belle ?
– Très belle, et du meilleur goût. Mais on dit, ma chère, qu’il a chez lui des peintures si peu bienséantes qu’il ne peut les montrer aux femmes. Cela n’est pas de bonne compagnie.
– Tous ces poètes sont bizarres, dit la veuve, cependant c’est un homme agréable ; quels jolis vers il compose ! Nous faisons de grands progrès en poésie. Il est impossible de lire à présent les vieux auteurs.
– Je proclame que je suis de votre opinion, répondit la dame au casque. Il y a bien plus de force et d’énergie dans la nouvelle école. »
Le guerrier s’approcha des dames en sautillant.
« Lorsque je vois de tels visages, dit-il, je me réconcilie avec la paix.
– Ah ! vous autres héros, vous êtes tous des
Weitere Kostenlose Bücher