Les Derniers Jours de Pompéi
qu’il triche réellement ?
– Mon cher Glaucus, un noble romain a sa dignité à conserver… dignité qui coûte cher… Claudius se voit forcé de tromper comme un coquin, pour vivre en patricien.
– Ha ! ha ! heureusement que j’ai abandonné les dés… Salluste, lorsque je serai l’époux d’Ione, j’ai l’intention de racheter toutes mes folies de jeunesse. Tous deux nous sommes faits pour une meilleure conduite que celle que nous tenons… nous sommes faits pour porter nos hommages à de plus nobles temples que l’étable d’Épicure.
– Hélas ! répondit Salluste avec une certaine mélancolie, savons-nous autre chose que ceci : la vie est courte, tout est obscurité au-delà du tombeau ? il n’y a donc pas d’autre sagesse que celle de jouir du temps présent.
– Par Bacchus, je me demande parfois si nous savons bien en effet jouir de la vie comme il faudrait le faire !
– Je suis fort modéré, reprit Salluste, et je ne demande pas l’excès. Nous sommes comme des malfaiteurs que nous enivrons de vin et de myrrhe, au moment du supplice ; mais si nous n’agissions pas ainsi l’abîme nous paraîtrait trop désagréable. J’avoue que j’étais disposé à la tristesse, lorsque je me suis mis à boire avec tant d’ardeur… c’est une nouvelle vie, Glaucus.
– Fi ! c’est parler en Scythe.
– Bah ! le sort de Penthée menace quiconque n’honorera pas Bacchus.
– Eh bien ! Salluste, avec tous vos défauts, vous êtes le meilleur débauché que j’aie encore rencontré ; et, en vérité, si j’étais en danger de la vie, je crois que vous êtes le seul homme de l’Italie qui tendrait un doigt pour me sauver.
– Peut-être ne le pourrais-je pas si c’était vers le milieu du souper ; mais le fait est que nous autres Italiens nous sommes terriblement égoïstes.
– Il en est ainsi de tous les hommes qui ne sont pas libres, répondit Glaucus en soupirant. La liberté seule fait que les hommes se sacrifient les uns aux autres.
– La liberté doit alors être une chose bien fatigante pour un épicurien, reprit Salluste ; mais nous voici rendus chez notre hôte. »
Comme la maison de plaisance de Diomède est une des plus grandes que l’on ait encore découvertes à Pompéi, et comme elle est construite d’après toutes les règles établies, pour ces sortes de maisons, par l’architecte romain, il n’est pas sans intérêt de décrire en peu de mots le plan des appartements que traversèrent nos convives.
Ils entrèrent d’abord par ce même petit vestibule où nous avons déjà présenté le vieux Médon, et passèrent immédiatement sous une colonnade appelée, en termes techniques, péristyle. Car la plus grande différence qui existait entre les maisons de campagne et les maisons de ville, consistait à placer, dans les premières, la même colonnade exactement à la place occupée dans les autres par l’atrium ; au centre du péristyle, on trouvait une cour ouverte, qui contenait l’impluvium.
De ce péristyle descendait un escalier vers les offices ; un autre passage étroit, au côté opposé, conduisait au jardin ; divers petits appartements entouraient la colonnade ; ils étaient probablement destinés aux visiteurs de la campagne. Une autre porte à gauche, en entrant, communiquait avec un petit portique triangulaire, lequel appartenait à la salle des bains ; et derrière était la garde-robe où se renfermaient les habits de fête des esclaves, et peut-être aussi ceux des maîtres. Dix-sept siècles plus tard, on a trouvé les restes de cette ancienne élégance calcinés et tombant en poussière, mais conservés, hélas ! plus longtemps encore que leur maître économe ne l’avait prévu.
Retournons au péristyle, et essayons maintenant d’offrir au lecteur un coup d’œil de cette série d’appartements qui s’ouvraient devant les pas de Glaucus et de son ami.
Qu’on se figure donc d’abord les colonnes du portique, toutes garnies de festons de fleurs ; les colonnes elles-mêmes peintes en rouge dans leur partie inférieure, et les murs décorés de fresques variées. Derrière un rideau, ouvert aux trois quarts, on découvrait le tablinum ou salon (que l’on fermait à volonté par des portes vitrées, qui, dans ce moment, étaient rentrées dans le mur) ; de l’autre côté du tablinum il y avait de petites chambres, dont l’une était le cabinet des objets d’art ; ces appartements, aussi bien que le
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