Les Derniers Jours de Pompéi
colère ; je ne m’étonne plus que, l’autre jour, un décurion ait été frappé par la foudre, par un ciel serein {83} . Les dieux sont irrités contre Pompéi, qui possède un pareil impie dans ses murs.
– Cependant le sénat s’est montré si accommodant que, si cet homme avait seulement montré un peu de repentir et consenti à brûler un peu d’encens sur l’autel de Cybèle, on l’aurait acquitté. Je doute fort que ces Nazaréens, s’ils venaient à établir leur religion, fussent aussi tolérants pour nous, en supposant que nous irions renverser l’image de leur dieu, blasphémer leurs cérémonies et nier leur foi.
– On laisse à Glaucus une chance, en faveur des circonstances atténuantes : on lui permettra de faire usage, pour se défendre contre le lion, du style avec lequel il a tué le prêtre.
– Avez-vous vu le lion ? Avez-vous remarqué ses dents et ses griffes ? Peut-on appeler une chance la faculté de se défendre contre lui avec le style ? Une épée et une cuirasse ne seraient qu’un roseau et du papyrus contre une si puissante bête. Je trouve que la meilleure grâce qu’on ait faite à Glaucus, c’est de ne pas le laisser longtemps en suspens ; c’est heureux pour lui que nos bénignes lois, si lentes à prononcer, soient promptes d’exécution, et que les jeux de l’amphithéâtre se trouvent, par une sorte de providence, fixés à après-demain ! Celui qui attend sa mort meurt deux fois.
– Quant à l’athée, dit Claudius, il n’aura pour armes contre le tigre que ses bras nus ; par malheur, ces combats ne se prêtent guère aux paris. Si quelqu’un pourtant veut tenter l’aventure ?… »
Un éclat de rire général démontra le ridicule de la question.
« Pauvre Claudius, dit l’hôte ; perdre un ami, c’est fâcheux ; mais ne trouver personne qui veuille parier pour son salut, c’est encore pis.
– C’est contrariant ; c’eût été une consolation pour lui comme pour moi de penser qu’il avait été utile jusqu’à la fin.
– Le peuple, dit le grave Pansa, est enchanté du résultat. Il avait si grand’peur que les jeux de l’amphithéâtre n’eussent lieu sans que l’on eût trouvé un criminel à livrer aux bêtes ! En trouver deux, et de cette espèce, n’est-ce pas du bonheur ? Le peuple travaille, il a besoin de distraction.
– Voilà un discours digne du grave Pansa, qui ne marche jamais sans une suite de clients aussi considérable que le cortège d’un triomphateur des Indes ! Il ne s’occupe que du peuple. Vous verrez qu’il finira par être un Gracque !
– Certainement, on ne peut pas dire que je sois un patricien insolent, reprit Pansa d’un air noble.
– Il y aurait eu vraiment du danger, observa Lépidus, à se montrer trop généreux la veille d’un combat d’animaux. Si jamais on me fait un procès, à moi qui suis né Romain et qui ai été élevé Romain, je prie Jupiter ou qu’il n’y ait point de bêtes dans les vivaria, ou qu’il y ait une quantité de criminels dans les prisons.
– Mais, dit quelqu’un de la compagnie, qu’est devenue cette pauvre fille que Glaucus devait épouser ? Être veuve sans avoir été femme, c’est cela qui est dur !
– Oh ! reprit Claudius, elle est en sûreté sous la protection de son tuteur Arbacès. Il était naturel qu’elle allât chez lui après avoir perdu son amant et son frère.
– Par Vénus ! Glaucus était heureux auprès des femmes ; on assure que la riche Julia l’aime aussi.
– Pure fable, mon ami ! dit Claudius avec un air de fatuité. Je l’ai vue aujourd’hui. Si elle a jamais conçu un sentiment de ce genre, je me flatte de l’avoir consolée.
– Paix, messieurs ! s’écria Pansa. Ne savez-vous pas que Claudius s’occupe à souffler la torche dans la maison de Diomède ? Elle commence à s’allumer, et elle ne tardera pas à briller d’un vif éclat sur l’autel de l’hymen.
– Est-ce vrai ? dit Lépidus. Claudius marié !… fi !…
– Ne craignez rien, reprit Claudius ; le vieux Diomède est charmé de l’idée de marier sa fille à un patricien ; il ne ménagera pas les sesterces. Vous pouvez bien penser que je ne les renfermerai pas dans l’atrium. Le jour où Claudius épousera une héritière devra être marqué de blanc par ses amis.
– Eh bien ! donc, s’écria Lépidus, buvons une coupe remplie jusqu’au bord à la santé de la belle Julia. »
Pendant cette conversation, sur le ton
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