Les Derniers Jours de Pompéi
échapper, ils attendent avec une joie cruelle le moment de saisir leur proie ; tu n’as d’autre bonheur que celui de ne pas les voir.
« Silence, Callias ! Avançons… voyons ce qu’elle fera lorsqu’elle sera convaincue que la porte est une honnête porte.
– Regarde : elle lève ses yeux au ciel… elle murmure quelques mots… elle se laisse tomber sur le sol. Non, par Pollux ! elle forme quelque nouveau plan et elle ne veut pas se résigner. Par Jupiter ! elle a de la persévérance… Vois, la voilà qui se relève !… Elle revient sur ses pas… elle espère trouver quelque autre expédient… Je te donne le conseil, Sosie, de ne pas attendre plus longtemps… Empare-toi d’elle avant qu’elle sorte du jardin… maintenant.
– Ah ! fugitive ! je te tiens ! » s’écria Sosie en saisissant la malheureuse Nydia.
On pourrait comparer au dernier cri humain d’un lièvre sous la dent du chien, ou à celui que jette le somnambule éveillé tout à coup, le cri de douleur que poussa la jeune aveugle lorsqu’elle sentit l’étreinte de son geôlier. Ce cri funeste exprimait tant de détresse et de désespoir, que, si vous l’eussiez entendu, il aurait pour toujours résonné à vos oreilles. Elle crut sentir la dernière planche de salut pour Glaucus s’échapper de sa main. Il y avait eu lutte entre la vie et la mort, et c’est la mort qui avait gagné la partie.
« Dieux ! elle va réveiller la maison. Arbacès a le sommeil si léger ! Bâillonne-la, dit Callias.
– Ah ! voici justement la serviette avec laquelle cette jeune sorcière m’a privé de la vue et de la raison. Allons, c’est juste. La voilà à présent muette aussi bien qu’aveugle. »
Et, saisissant ce léger fardeau dans ses bras, Sosie regagna la maison et la chambre d’où Nydia s’était échappée. Là, après l’avoir délivrée de son bâillon, il l’abandonna à une solitude si terrible et si douloureuse, qu’en dehors des enfers on ne peut guère imaginer pareils tourments.
Chapitre 16
Le chagrin de nos bons camarades pendant nos afflictions. Le cachot et ses victimes
La troisième et dernière journée du procès de Glaucus et d’Olynthus allait s’achever ; quelques heures après que la sentence eut été rendue, plusieurs des élégants de Pompéi étaient réunis à la table du délicat Lépidus.
« Ainsi Glaucus a nié son crime jusqu’à la fin ? dit Claudius.
– Oui ; mais le témoignage d’Arbacès était convaincant ; il a vu porter le coup, répondit Lépidus.
– Mais quel peut avoir été le motif du meurtre ?
– Le prêtre était d’un caractère morose et singulier. Il aura probablement réprimandé Glaucus sur sa vie joyeuse, sa passion pour le jeu, et enfin refusé son consentement au mariage de l’Athénien avec Ione. Une querelle aura eu lieu. Glaucus, qui avait sans doute trop sacrifié à Bacchus, dieu terrible, aura frappé le prêtre dans un moment de colère. L’excitation du vin, le désespoir du remords lui auront donné le délire qu’il a conservé quelques jours, et je gagerais bien que le pauvre garçon, dont ce délire a si fort troublé les esprits, s’imagine réellement qu’il n’a pas commis ce crime. Telle est du moins l’opinion d’Arbacès, qui paraît avoir été plein de bienveillance et de modération dans son témoignage.
– Oui, il s’est rendu populaire par sa conduite en cette affaire ; mais, en considération de ces circonstances atténuantes, le sénat aurait dû se relâcher de sa sévérité.
– Il l’aurait fait aussi, s’il n’avait fallu donner satisfaction au peuple, véritablement furieux. Les prêtres n’avaient rien épargné pour l’irriter. Le peuple, cette bête féroce, s’imaginait que Glaucus échapperait à la condamnation parce qu’il est riche et de noble rang : c’est là ce qui a motivé un si dur arrêt. Il paraît aussi que, par je ne sais quel accident, il n’a jamais été naturalisé citoyen romain ; le sénat s’est trouvé ainsi privé du droit de résister au peuple, quoique après tout il n’y ait eu contre lui qu’une majorité de trois voix. Holà du vin de Chio !
– Il est bien changé ; mais son air est intrépide et calme.
– Nous verrons si cette fermeté durera demain. Mais quel mérite y a-t-il dans le courage, lorsqu’on voit ce chien d’athée, Olynthus, manifester le même sang-froid ?
– Le blasphémateur ! Oui, dit Lépidus avec une pieuse
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