Les Derniers Jours de Pompéi
bâtis de la même façon.
– Ha ! ha ! c’est excellent. Niger t’aurait étranglé, s’il t’avait entendu.
– Vous autres, messieurs de l’arène, vous avez une manière de parler très désagréable, dit Sosie. Changeons de conversation.
– C’est bon, c’est bon, dit Lydon, je ne suis pas en humeur de causer avec toi.
– Vraiment ! répondit l’esclave ; vous avez de quoi penser, sans aucun doute. Demain, c’est votre début dans l’arène. Je suis sûr que vous mourrez bravement.
– Que tes paroles retombent sur ta tête ! dit Lydon, qui était superstitieux, car la bénédiction de Sosie ne lui convenait nullement. Mourir, non ; je ne pense pas que mon heure soit encore venue.
– Celui qui joue aux dés avec la mort doit s’attendre au coup du chien, reprit Sosie avec malice ; mais tu es un vigoureux gaillard, et je te souhaite toute la chance possible ; et là-dessus, vale. »
L’esclave tourna les talons et prit le chemin de sa maison.
« J’espère que les paroles de ce coquin ne sont pas un présage, dit Lydon. Dans mon zèle pour la liberté de mon père, et dans la confiance que j’ai en mes nerfs et en mes muscles, je n’avais pas songé à la possibilité de la mort. Mon pauvre père, je suis ton fils unique… Si j’allais périr !… »
Agité par cette pensée, le gladiateur marcha plus rapidement et d’un pas inégal, lorsque tout à coup, dans une rue opposée, il vit l’objet même qui causait son souci. Appuyé sur son bâton, le dos voûté par l’âge ; les yeux baissés, les pas tremblants, le vieux Médon, dont les cheveux étaient tout blancs, s’approcha lentement du gladiateur. Lydon s’arrêta un moment… Il devina tout de suite le motif qui avait fait sortir le vieillard à cette heure tardive.
« C’est moi qu’il cherche certainement, dit-il ; la condamnation d’Olynthus l’a frappé d’horreur ; plus que jamais il trouve l’arène haïssable et criminelle… il vient encore pour me détourner de combattre… Évitons-le ; je ne puis supporter ses prières ni ses larmes… »
Ces sentiments si longs à décrire traversèrent comme un éclair l’esprit du jeune homme. Il se détourna soudainement de son chemin et prit une autre direction ; il ne s’arrêta, presque hors d’haleine, que lorsqu’il fut parvenu à une petite éminence qui dominait la partie la plus riche et la plus gaie de cette cité en miniature ; de là il contempla les rues tranquilles, éclairées par les rayons de la lune (qui venait de se lever et qui donnait un aspect tout à fait pittoresque à la foule pressée et murmurante autour de l’amphithéâtre) ; l’influence de ce spectacle l’émut, malgré la rudesse de sa nature, peu propre aux entraînements de l’imagination. Il s’assit pour se reposer sur les degrés d’un portique, et sentit que le calme de cette heure passait dans son âme. Près de lui, de l’autre côté, les lumières brillaient dans un palais dont le maître donnait une fête. Les portes étaient ouvertes pour laisser pénétrer la fraîcheur, et le gladiateur put voir de nombreux et joyeux groupes autour des tables dans l’atrium {84} , pendant que derrière eux, fermant la perspective des salles illuminées, les jets d’eau d’une fontaine éloignée étincelaient à la clarté de l’astre nocturne.
Il voyait les guirlandes de fleurs qui entouraient les colonnes des salles, les nombreuses statues de marbre, et, au milieu des éclats de rire, il entendit la musique et distingua cette chanson :
CHANSON ÉPICURIENNE
Ah ! laissez là vos histoires funèbres,
Et vos enfers, par le flamen forgés ;
De vos trois sœurs, les filles des ténèbres,
Nous nous moquons, esprits sans préjugés.
Jupin aurait un bien triste ménage,
Si sa Junon tourmentait ses amours ;
Pourrait-il donc ouïr son bavardage
Et surveiller ce globe dans son cours ?
Qu’il soit béni ton nom, noble Épicure,
Toi qui te ris de ces divinités,
Sage enchanteur, qui de la barque obscure
As su couper les câbles redoutés !
S’il est des dieux dans les voûtes suprêmes,
De nous, mortels, ils ont peu de souci ;
S’il est des dieux, qu’ils s’occupent d’eux-mêmes.
Vivons comme eux, soyons des dieux aussi.
N’auraient-ils pas là-haut quelque vergogne,
S’il leur fallait avoir sur nous les yeux,
Compter les coups que peut boire un ivrogne,
Ou les baisers que donne un amoureux ?
Contentons-nous du sourire des
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