Les Derniers Jours de Pompéi
travers de son cou, et interrogea des yeux l’assemblée, afin de s’assurer qu’aucun remords ne l’avait saisie en ce dernier moment. Le terrible signal ne fut pas changé, et le glaive brillant dans l’air tomba, et le gladiateur roula sur le sable ; ses membres s’agitèrent convulsivement, puis rien ne bougea plus dans tout son être… Ce n’était plus qu’un cadavre.
Son corps fut entraîné hors de l’arène, par la porte de la Mort, et jeté dans l’obscure cellule qu’on appelait le spoliarium. Avant qu’il eût atteint sa destination, la lutte entre les deux autres combattants était aussi terminée. L’épée d’Eumolpus avait porté une blessure mortelle à son adversaire moins expérimenté que lui : une nouvelle victime s’ajouta au réceptacle du carnage.
Un mouvement universel agita la nombreuse assemblée ; le peuple respirait plus à l’aise, et chacun se replaçait commodément sur son siège. Une pluie agréable fut lancée par les conduits pour rafraîchir les spectateurs ; chacun disait son mot, pendant cette bienfaisante rosée, sur le spectacle sanglant qui venait d’avoir lieu. Eumolpus ôta son casque et essuya son front. Ses cheveux bouclés, sa courte barbe, ses nobles traits romains, et son œil brillant et noir, conquirent l’admiration générale ; il était dispos, sans blessure, il ne paraissait pas fatigué.
L’editor s’arrêta et proclama tout haut que la blessure de Niger l’empêchait de rentrer dans l’arène. Lydon devait succéder à Nepimus qui venait d’être tué, et combattre à son tour Eumolpus.
« Cependant, Lydon, ajouta-t-il, si tu veux décliner le combat avec un homme si brave et si éprouvé, tu en as le droit. Eumolpus n’est pas l’adversaire qui t’était destiné dans l’origine, tu sais mieux que personne si tu es en état de te mesurer avec lui. Si tu succombes, ce ne sera pas sans gloire ; si tu triomphes, je doublerai de ma propre bourse le prix stipulé pour toi.
Le peuple fit éclater de grands applaudissements. Lydon se tenait dans la lice : il jeta les yeux autour de lui, il aperçut au loin sur ces hauts gradins la figure pâle, les yeux fixes de son vieux père ; il demeura irrésolu un moment. Non, la victoire du ceste n’était pas suffisante… il n’avait pas encore remporté le prix qu’il voulait… son père était encore esclave.
« Noble édile, dit-il, d’un ton ferme, je ne recule pas devant ce combat… pour l’honneur de Pompéi je demande qu’un homme instruit par son célèbre laniste combatte le Romain. »
Les applaudissements du peuple devinrent plus vifs.
« Quatre contre un pour l’autre, dit Claudius à Lépidus.
– Je n’accepterais pas vingt contre un. Eumolpus est un véritable Achille, et ce pauvre garçon n’est qu’un tiro. »
Eumolpus regarda attentivement Lydon et sourit. Cependant ce sourire fut suivi d’un léger soupir à peine entendu ; mouvement de compassion étouffé dans le cœur au moment où il s’y faisait sentir.
Tous deux alors, revêtus d’armures, l’épée tirée, la visière baissée, derniers combattants de l’arène (avant que les hommes fussent livrés aux bêtes) se mirent en face l’un de l’autre.
Dans ce moment un des employés de l’arène remit une lettre au préteur, qui en retira l’enveloppe et parcourut l’écrit des yeux ; ses traits exprimèrent la surprise et l’embarras. Il lut de nouveau la lettre, et murmura : « Allons, c’est impossible ; il fallait que cet homme fût ivre dès le matin pour écrire de pareilles folies… » Il mit la lettre de côté, et se replaça lui-même dans l’attitude convenable pour suivre le nouveau combat.
L’intérêt du public était vivement excité. Eumolpus s’était d’abord concilié la faveur générale, mais l’intrépidité de Lydon et son heureuse allusion à l’honneur du lanista de Pompéi avaient bien disposé pour lui tous les cœurs.
« Eh bien, vieux camarade, dit le voisin de Médon au pauvre père, voilà votre fils bravement engagé de nouveau ; mais ne craignez rien. L’editor ne permettra pas qu’on le tue ; ni le peuple non plus. Il s’est comporté noblement. Ah ! voilà un fameux coup… bien paré, par Pollux ! La riposte, Lydon !… ils s’arrêtent pour respirer… qu’est-ce que vous murmurez donc, vieux père ?
– Des prières, répondit Médon avec plus de calme et un maintien qui indiquait plus d’assurance.
– Des
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