Les Derniers Jours de Pompéi
errantes, et avec elles l’espérance de ceux qui les portaient.
Dans la rue qui conduit à la porte d’Herculanum, Claudius cherchait avec perplexité son chemin.
« Si je puis gagner les champs, se disait-il, je trouverai sans doute quelque voiture, et Herculanum n’est pas loin. Grâce à Mercure ! j’ai peu de choses à perdre, et ce peu, je le porte avec moi.
– Holà !… à l’aide ! à l’aide !… cria une voix effrayée et plaintive ; je suis tombé !… Ma torche est éteinte… Mes esclaves m’ont abandonné… Je suis Diomède… le riche Diomède !… Mille sesterces pour celui qui viendra à mon secours ! »
Au même moment, Claudius se sentit saisir par le pied. « Ah ! secourez-moi !… donnez-moi votre main !
– La voici… Levez-vous.
– C’est Claudius… Je reconnais sa voix… Où allez-vous ?
– À Herculanum.
– Les dieux soient loués ! notre chemin est le même jusqu’à la porte de la ville. Pourquoi ne pas vous réfugier à une maison de campagne ? Vous connaissez la longue rangée de mes celliers souterrains, sous les fondations de ma maison ; c’est un asile où cette pluie ne peut pénétrer.
– Vous avez raison, dit Claudius, pensif ; et pour peu qu’on remplisse les celliers de provisions de bouche, nous pourrons y rester quelques jours, dans le cas où cette étrange tempête se prolongerait.
– Ô béni soit celui qui a inventé les portes des cités ! s’écria Diomède. Voyez, on a placé là-bas une torche sous l’arche… elle va guider nos pas. »
L’air était devenu un peu plus calme depuis quelques minutes ; la lampe placée à la porte de la ville jetait au loin un vif éclat… Les fugitifs se pressèrent… arrivèrent… passèrent devant le factionnaire romain. Ils purent voir sa face livide et son casque poli ; ses traits exprimaient la terreur, mais en même temps une certaine fermeté… Il demeurait droit et immobile à son poste. Cette heure même n’avait pu changer en un homme indépendant et agissant pour lui-même, cette machine de l’inébranlable majesté de Rome. Il restait debout au milieu des désordres de la nature ; il n’avait pas reçu la permission de quitter son poste et de s’enfuir {93} .
Diomède et son compagnon se pressaient, lorsque tout à coup une femme traversa leur chemin. C’était la jeune fille dont la voix mal inspirée avait si souvent et si gaiement célébré par anticipation le joyeux spectacle de l’amphithéâtre.
« Ô Diomède ! s’écria-t-elle, un abri ! un abri !… Voyez, dit-elle en montrant un enfant suspendu à son cou… Voyez ce pauvre petit… C’est mon enfant… l’enfant de la honte… Je ne l’ai jamais avoué jusqu’à ce jour… Mais maintenant je me rappelle que je suis mère !… Je suis allée le chercher au berceau de sa nourrice… Elle avait fui !… qui peut penser à un enfant dans un pareil moment, excepté sa mère ?… Sauvez-le !… Sauvez-le !…
– Malédiction sur tes criailleries ! dit Claudius ; laisse-nous, prostituée, murmura-t-il entre ses dents.
– Non, dit Diomède, plus humain ; suis-nous. Ce chemin… ce chemin… Aux voûtes !… »
Ils pressèrent de nouveau le pas ; ils arrivèrent à la maison de Diomède. Ils se mirent à rire hautement en posant le pied sur le seuil, car ils crurent que le danger était passé pour eux.
Diomède ordonna à ses esclaves de porter dans les caveaux souterrains que nous avons décrits, une grande quantité de provisions de toute sorte et de l’huile pour les lampes, et ce fut là que Julia, Claudius, la mère et son enfant, la plus grande partie des esclaves, et quelques visiteurs effrayés et des clients du voisinage, cherchèrent un abri.
Chapitre 7
Les progrès de la destruction
Le nuage qui avait répandu une si profonde obscurité sur le jour s’était condensé en une masse solide et impénétrable. Il ressemblait moins aux ténèbres de la nuit en plein air qu’à celles d’une chambre étroite où la lumière ne pénètre pas {94} ; mais à mesure que ces ténèbres augmentaient, les éclairs qui partaient du Vésuve étaient plus formidables et plus lumineux. Leur horrible beauté ne se bornait pas aux couleurs habituelles du feu ; jamais arc-en-ciel n’égala leurs teintes changeantes et variées. Tantôt elles paraissaient bleues comme l’azur le plus profond de la mer du Sud, tantôt vertes et livides comme la peau d’un serpent. Les
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