Les Derniers Jours de Pompéi
refaire aux dépens du peuple n’est-ce pas, cher Pansa ? dit Glaucus.
– Assurément, répondit Pansa.
– Voilà comment le peuple sert à quelque chose, continua Glaucus.
– Sans doute, poursuivit Pansa ; mais il faut que j’aille visiter l’aerarium qui a besoin d’être réparé. »
Alors en se donnant beaucoup d’importance l’édile s’éloigna accompagné d’une longue suite de clients qui se distinguaient du reste de la foule par leurs toges (car les toges, marque autrefois de la liberté, étaient devenues un signe de servilité envers le patron).
« Pauvre Pansa ! dit Lépidus, il n’a jamais le temps de prendre un plaisir. Le ciel soit loué de ce que je ne suis pas édile !
– Ah ! Glaucus, comment vous portez-vous ? Toujours gai ? s’écria Claudius, en se joignant au groupe.
– Êtes-vous venu pour faire un sacrifice à la Fortune ? dit Salluste.
– Je sacrifie à la Fortune toutes les nuits, répondit le joueur.
– Je le sais et personne ne lui offre plus de victimes.
– Par Hercule voilà un bon mot, dit Glaucus en riant.
– Vous avez toujours la lettre du chien à la bouche, Salluste, répliqua Claudius avec humeur ; vous grognez continuellement.
– Je puis bien avoir à la bouche la lettre du chien, reprit Salluste, puisque lorsque je joue avec vous j’ai toujours à la main les points du chien.
– Paix ! » dit Glaucus en prenant une rose à une bouquetière qui se tenait près d’eux.
– « La rose est l’emblème du silence » reprit Salluste ; mais je n’aime à la voir qu’à la table du souper. À propos, ajouta-t-il, Diomède donne grande fête la semaine prochaine ; êtes-vous invité, Glaucus ?
– Oui j’ai reçu une invitation ce matin.
– Moi aussi, dit Salluste en tirant de sa ceinture un petit morceau de papyrus ; je vois qu’il nous convie une heure plus tôt que de coutume. Cela prouve que la fête sera magnifique {18} .
– Oh ! il est riche comme Crésus, dit Claudius, et le menu de ses festins est aussi long qu’un poème épique.
– Allons aux bains, dit Glaucus ; c’est le moment où tout le monde y va et Fulvius que vous admirez tous vous y lira sa dernière ode. »
Les jeunes gens accédèrent à cette proposition et se dirigèrent vers les bains.
Quoique les thermes ou bains publics fussent établis plutôt pour les pauvres que pour les riches (car ceux-là avaient des bains dans leurs propres maisons) c’était néanmoins pour les personnes de tout rang un lieu favori de conversation et le rendez-vous le plus cher de ce peuple indolent et joyeux. Les bains de Pompéi différaient naturellement dans le plan et dans la construction des thermes vastes et compliqués de Rome ; et il paraît en effet que, dans chaque ville de l’empire, il y avait toujours quelque légère modification dans l’arrangement de l’architecture générale des bains publics. Ceci étonne singulièrement les savants comme si les architectes et la mode n’avaient pas eu leurs caprices avant le XIXe siècle. Les amis entrèrent par le porche principal de la rue de la Fortune. À l’aile du portique était assis le gardien du bain ayant devant lui deux boîtes, l’une pour l’argent qu’il recevait, l’autre pour les billets qu’il distribuait. Des personnes de toutes classes se reposaient sur des sièges tandis que d’autres, selon l’ordonnance prescrite par les médecins, se promenaient d’un bout à l’autre du portique et s’arrêtaient çà et là pour regarder les innombrables affiches de jeux de ventes ou d’expositions, qui étaient peintes ou inscrites sur les murs. Le spectacle annoncé dans l’amphithéâtre faisait le principal sujet de la conversation ; et chacun des survenants était questionné vivement par quelque groupe empressé de savoir si Pompéi avait eu aussi la chance de rencontrer quelque monstrueux criminel convaincu de sacrilège ou de meurtre, qui permettrait enfin aux édiles de jeter un homme à dévorer au lion ; tous les autres divertissements paraissaient pâles et fastidieux comparés à la probabilité de cette bonne fortune.
« Pour ma part, dit un orfèvre à l’air enjoué, je pense que l’empereur s’il est aussi généreux qu’on le prétend ferait bien de nous envoyer un Juif.
– Pourquoi ne pas prendre un des nouveaux adeptes de la secte des Nazaréens ? dit un philosophe ; je ne suis pas cruel ; mais un athée, qui nie Jupiter lui-même ne mérite pas de
Weitere Kostenlose Bücher