Les Derniers Jours de Pompéi
vraie ? On vous dit d’adorer vos dieux. Que sont vos dieux même d’après vous ? Quelles sont leurs actions ? quels sont leurs attributs ? Ne vous sont-ils pas représentés comme les plus noirs des criminels ? Cependant on vous demande de les servir comme les plus saintes divinités. Jupiter lui-même est parricide et adultère. Vos dieux inférieurs ne sont que les imitateurs de ses vices ! On vous défend d’assassiner ; vous adorez des assassins. On vous engage à ne pas commettre d’adultère et vous adressez vos prières à un adultère. N’est-ce pas là une moquerie de la plus sainte partie de la nature de l’homme de la foi ? Tournez maintenant vos regards vers Dieu, le seul, le vrai Dieu, à l’autel duquel je veux vous conduire. S’il vous semble trop sublime, trop impalpable, pour ces associations humaines, pour ces touchants rapports entre le créateur et la créature, dont notre faible cœur a besoin, contemplez-le dans son fils, qui s’est fait homme comme nous. Ce n’est pas comme vos faux dieux par les vices de notre nature mais par la pratique de nos vertus que sa personnalité humaine se déclare. En lui s’unissent les mœurs les plus austères et les plus tendres affections. N’eût-il été qu’un homme ; il serait digne encore d’être un dieu. Vous honorez Socrate ; il a sa secte, ses disciples, ses écoles : mais que sont les douteuses vertus de cet Athénien auprès de la sainteté éclatante, indubitable, active, incessante, dévouée du Christ ? Je vous parle ici de son caractère purement humain. Il est apparu comme le modèle des âges futurs pour faire voir la forme de la vertu à laquelle Platon désirait tant donner un corps. Tel fut le véritable sacrifice qu’il fit pour l’homme ; mais la gloire qui environna sa dernière heure n’illumina pas seulement la terre, elle nous ouvrit la perspective des cieux. Vous êtes touché vous êtes ému. Dieu agit sur votre cœur. Son esprit est en vous. Allons ! ne résistez pas à ce saint mouvement. Venez, laissez-moi vous guider. Vous êtes triste, vous êtes las. Écoutez les paroles mêmes de Dieu : « Venez à moi, dit-il, vous tous qui êtes chargés d’un fardeau et je vous donnerai le repos. »
– Je ne puis vous suivre maintenant, dit Apaecidès, une autre fois…
– Maintenant, maintenant ! » s’écria Olynthus avec chaleur et en lui prenant le bras.
Mais Apaecidès, qui n’était pas encore préparé à renoncer à une croyance pour laquelle il avait déjà tant sacrifié et qui se trouvait d’ailleurs sous l’empire des promesses de l’Égyptien, se dégagea avec force des mains d’Olynthus ; sentant de plus qu’il fallait un effort pour vaincre l’irrésolution, que l’éloquence du chrétien commençait à produire dans son âme facilement émue, il releva vivement sa robe et s’éloigna d’un pas rapide qui défiait toute poursuite.
Épuisé et presque sans haleine, il arriva enfin à un endroit écarté et solitaire de la ville et ne s’arrêta que devant la maison isolée de l’Égyptien. Pendant qu’il se remettait un peu de sa course, la lune s’élança d’un nuage d’argent et jeta une pleine lumière sur les murs de cette mystérieuse habitation. Il n’y avait aucune maison voisine : des vignes épaisses en entouraient le devant ; derrière s’élevaient de grands arbres comme endormis sous les rayons mélancoliques de la lune ; au loin on apercevait les lignes vagues des montagnes à l’horizon et parmi ces montagnes la crête tranquille du Vésuve moins élevée qu’elle ne paraît à présent aux yeux du voyageur.
Apaecidès traversa les vignes courbées en berceau et s’approcha du large et spacieux portique, au devant duquel des deux côtés des marches, reposait le sphinx égyptien. La lueur de la lune ajoutait encore un calme solennel à ces larges harmonieuses impassibles images, où les sculpteurs de ce symbole de la sagesse s’étudiaient à unir l’amabilité et la grandeur. À la moitié de la hauteur et à l’extrémité du perron s’étendait le vert et massif feuillage d’un aloès et l’ombre du palmier oriental tombait des longues et immobiles branches de ce bel arbre sur le marbre de l’escalier.
La tranquillité du lieu et l’aspect étrange des sphinx avaient quelque chose d’effrayant qui remplit l’âme du jeune prêtre d’une terreur superstitieuse et sans nom ; il eut plaisir à entendre le bruit de ses pas en
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