Les Derniers Jours de Pompéi
demeurait passive sous une influence qui faisait naître dans son sein, non pas la répugnance, mais une terreur muette et glacée.
Arbacès était alors résolu à mettre en œuvre tous ses artifices pour posséder un trésor ardemment convoité par lui. Il était animé encore par l’orgueil de sa victoire sur le frère d’Ione. Depuis l’heure où Apaecidès avait succombé sous les voluptueux enchantements de la fête que nous avons décrite, son pouvoir sur le jeune prêtre n’avait fait que s’accroître et lui paraissait assuré. Il savait qu’il n’y a pas de victime plus fortement enchaînée qu’un jeune homme ardent qui cède pour la première fois à l’esclavage des sens.
Lorsque Apaecidès se réveilla, avec la lumière du jour, du profond sommeil qui avait succédé au délire de l’étonnement et du plaisir, il se sentit à la vérité honteux, terrifié, égaré ; ses vœux d’austérité et de célibat résonnaient à son oreille, sa soif de sainteté, à quelle source impure ne l’avait-il pas apaisée ? Mais Arbacès connaissait bien les moyens d’assurer sa conquête. De la connaissance du plaisir, il conduisit le jeune prêtre à celle d’une mystérieuse sagesse. Il découvrit à ses yeux étonnés l’obscure philosophie du Nil, et l’initia à ses secrets tirés des astres et à son étrange alchimie, qui, à une époque où la raison elle-même se confondait avec l’imagination, pouvait bien passer pour la connaissance d’une magie divine. Il paraissait aux yeux du jeune homme un être au-dessus de la race humaine, un être doué de qualités surnaturelles. Ce désir intense et ardent de connaître ce qui n’appartient pas à la terre, qui avait brûlé dans le cœur du prêtre depuis son enfance, était excité au point de surprendre et d’éblouir son bon sens. Apaecidès se livrait de lui-même à l’artifice, qui se servait, pour le séduire, des deux plus fortes passions humaines, celles du plaisir et de la science. Lui était-il possible de croire qu’un homme si sage pût errer, qu’un homme si fort pût descendre à tromper ? Enlacé dans le sombre réseau des moralités métaphysiques, il s’accommoda de l’excuse au moyen de laquelle l’Égyptien convertissait le vice en vertu. Son orgueil était flatté à son insu de ce qu’Arbacès avait daigné l’élever au même rang que lui, le mettre au-dessus des lois qui enchaînent le vulgaire, en faire un auguste compagnon des mystiques études et des fascinations enchanteresses de sa solitude. Les pieuses et austères leçons de cette croyance, à laquelle Olynthus avait essayé de le convertir, avaient été chassées de sa mémoire par le torrent des passions nouvelles ; et l’Égyptien, qui était versé dans les dogmes de la foi véritable et qui avait appris de son disciple l’impression que ses adeptes avaient faite sur son âme, chercha à vaincre cette impression par des raisonnements moitié sarcastiques et moitié sérieux.
« Cette foi, lui dit-il, n’est qu’un grossier emprunt fait à une des nombreuses allégories de nos anciens prêtres. Remarquez, ajouta-t-il en lui montrant un tableau hiéroglyphique, remarquez dans ces anciennes figures l’origine de la Trinité chrétienne. Il y a aussi trois dieux : le Père, l’Esprit et le Fils. Remarquez que l’épithète du Fils est « Sauveur ». Remarquez que le signe par lequel ses qualités humaines sont manifestées est la croix {31} . Considérez également ici l’histoire d’Osiris, comment il est mis à mort, comment il est couché dans la tombe, et comment, accomplissant ainsi une solennelle expiation, il vient à ressusciter. Ces histoires ont pour but de peindre, sous une forme allégorique, les opérations de la nature et les évolutions des cieux éternels. Mais le sens de l’allégorie étant demeuré incompris, les types eux-mêmes ont fourni à la crédulité des nations les matériaux de leurs nombreuses croyances. Ils sont parvenus jusqu’aux vastes plaines de l’Inde ; ils se sont mêlés aux spéculations visionnaires des Grecs. Prenant de plus en plus un corps à mesure qu’ils s’éloignent des ombres de leur antique origine, ils ont revêtu une forme humaine et palpable dans cette nouvelle foi ; et les sectateurs du Galiléen ne sont, sans le savoir, que les imitateurs d’une des superstitions du Nil. »
C’était ce dernier argument qui subjuguait complètement le prêtre. Il sentait le besoin,
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