Les Dieux S'amusent
l’ancre, à une
courte distance de la plage.
Le désastre desLestrygons
Ce pays était habité par un peuple d’anthropophages, appelés
les Lestrygons. À ces latitudes septentrionales, et à l’époque de l’année où l’on
était, c’est-à-dire les environs du solstice d’été, le soleil ne se couchait
jamais complètement sur le pays des Lestrygons et les journées y duraient
vingt-quatre heures. Trompés par ce phénomène astronomique qu’ils ne
connaissaient pas, les Ithaciens, qui avaient coutume de ne se coucher qu’à la
tombée de la nuit, restent debout pendant près de quarante-huit heures après
leur arrivée, sans se rendre compte du temps qui s’est écoulé.
Alors, brusquement, la fatigue les saisit tous à la fois et
ils sombrent dans un sommeil profond, sans avoir pris la précaution de désigner,
comme ils le font d’habitude, quelques veilleurs. Du rivage, tapis dans des
fourrés, les Lestrygons observaient les Grecs depuis leur arrivée. Dès qu’ils
les voient endormis, ils mettent des pirogues à la mer et font rame vers les
navires d’Ulysse.
À ce moment précis, par une sorte de miracle, l’un des
soldats qui se trouvait sur le bateau d’Ulysse se réveille. C’était un ivrogne
invétéré nommé Elpénor. Depuis trois jours, ivre mort, il dormait sur le pont
du navire pendant que ses compagnons veillaient, et au moment où ceux-ci
sombraient dans le sommeil, lui-même, ayant cuvé son vin, refaisait surface. Il
aperçoit les Lestrygons qui s’approchent, secoue Ulysse et le réveille. Ulysse,
comprenant aussitôt le danger, dégaine son épée, coupe les amarres de son
navire, hisse une voile et échappe ainsi de justesse à l’abordage des
Lestrygons. Les onze autres navires de la flotte, en revanche, sont pris d’assaut ;
leurs occupants passent, sans transition, des bras d’Hypnos dans ceux de
Thanatos.
Après ce désastre, il ne reste plus à Ulysse qu’un seul
navire, portant à son bord quarante-cinq hommes, une petite partie du burin
pris à Troie, ainsi que quelques réserves d’eau et de farine — mais non de
viande. Ulysse ne se laisse pourtant pas aller au découragement. Il ranime l’ardeur
de ses soldats, leur promet qu’il les ramènera sains et saufs à Ithaque et
obtient d’eux qu’ils reprennent les avirons, en direction du sud. Quelques
jours plus tard, une île est en vue. Prudemment, Ulysse en fait le tour ; elle
lui semble inhabitée. Il jette l’ancre dans une petite crique et, comme aucun
de ses hommes n’ose s’aventurer dans l’île, Ulysse y débarque seul, armé de son
arc et d’un javelot.
L’île de Circé
Ayant pénétré de quelques centaines de mètres à l’intérieur
des terres, il a la chance d’apercevoir un gros cerf, qu’il abat d’une flèche. II
le charge sur ses épaules et, s’appuyant sur son javelot comme sur une béquille,
parvient non sans peine à le rapporter jusqu’au rivage. Ses compagnons viennent
l’y rejoindre. On découpe l’animal, on en fait griller les morceaux et chacun
des hommes peut en manger à sa faim.
Ulysse apprend alors à ses compagnons qu’au cours de son
expédition il a cru apercevoir, vers le centre de l’île, un filet de fumée s’élevant
de derrière une petite colline. Il convient, leur dit-il, d’aller voir cela de
plus près. Toutefois, par précaution, une partie de la troupe doit garder le
navire.
Ulysse répartit donc ses hommes en deux groupes égaux :
vingt-deux d’entre eux seront placés sous les ordres d’Euryloque, le lieutenant
d’Ulysse et son proche parent ; Ulysse commandera lui-même les vingt-deux
autres. On tire au sort pour savoir lequel des deux groupes partira en
reconnaissance ; c’est celui d’Euryloque qui est désigné. Ulysse lui
recommande la prudence.
Après une petite heure de marche, Euryloque et ses hommes
aperçoivent la fumée qu’avait signalée Ulysse. Ils s’en approchent et
découvrent une grande et belle maison au milieu d’une clairière. En s’avançant
vers elle, ils se voient tout à coup entourés par une douzaine de loups, de
tigres et de lions. Après un moment d’épouvante, ils constatent avec surprise
que ces fauves, loin de manifester à leur égard des intentions agressives, viennent
se frotter amicalement contre leurs jambes et leur lécher les mains en
gémissant d’un ton plaintif. Sans le savoir encore, les compagnons d’Ulysse
viennent de pénétrer dans le domaine d’une magicienne
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