Les Dieux S'amusent
nourri par la chèvre Amalthée, aux mamelles inépuisables, et élevé par une
troupe joyeuse et bruyante de nymphes et de faunes qui, par leurs cris et leurs
rires, couvraient les vagissements du bébé afin que Saturne ne les entendît pas.
Lorsqu’il fut devenu grand, Jupiter récompensa la chèvre Amalthée en en faisant
une constellation céleste, non sans lui avoir préalablement arraché une corne
dont il fit cadeau aux nymphes du mont Ida. Cette corne, qui fut appelée « corne
d’abondance », avait la propriété miraculeuse de produire à profusion ce
que les nymphes aimaient par-dessus tout, c’est-à-dire des fleurs, des fruits, des
articles de mode et des bijoux.
Ayant ainsi réglé ses dettes envers ses protecteurs, Jupiter
se mit en mesure de régler ses comptes avec son père. Doté d’un sens politique
profond, dont il devait donner plus tard bien d’autres preuves, il comprit qu’il
ne pourrait vaincre Saturne et lui prendre le pouvoir qu’en s’appuyant sur des
alliés, dont il trouverait bien le moyen de se débarrasser s’ils devenaient
trop exigeants. Il incita donc les Géants à se révolter contre Saturne, et
obtint en outre le concours d’un des principaux Titans, Prométhée. Celui-ci se
distinguait de ses congénères non seulement par son intelligence supérieure, mais
aussi par son sens moral développé. Semblable à certains de nos intellectuels
contemporains qui ne cessent de signer des pétitions pour la défense des droits
de l’homme, Prométhée ne craignait pas d’élever de fréquentes protestations
contre les abus de pouvoir et la cruauté de Saturne. C’est par idéalisme, et
non par ambition personnelle, qu’il promît à Jupiter son soutien.
À la tête de cette coalition, Jupiter, ayant attaqué par
surprise Saturne et les Titans, les écrasa. Il força son père à vomir les cinq
enfants, qu’il avait dévorés, et qui, si étrange que cela puisse paraître, n’avaient
pas encore été digérés. Puis il exila Saturne dans un pays lointain, où il
devait bientôt disparaître d’une façon mystérieuse et définitive. Pour se
débarrasser des autres Titans, Jupiter les ensevelit dans les entrailles de la
Terre. Ce sont leurs convulsions de rage et leurs vomissements de dépit qui, selon
les Grecs, provoquèrent au cours des siècles suivants les éruptions volcaniques.
L’un des Titans, nommé Atlas, qui du fait de sa force exceptionnelle avait été
le plus difficile à terrasser, fit l’objet d’une punition spéciale : il
fut condamné à porter en permanence sur ses épaules la voûte du ciel.
Pour prix de leur aide, les Géants recouvrèrent la liberté. Quant
à Prométhée, il refusa noblement toute récompense personnelle ; il demanda
seulement et obtint la grâce de son frère Epiméthée, qui avait pourtant choisi
le mauvais camp.
La révolte des Géants
Jupiter s’installa alors sur la plus haute montagne de Grèce,
l’Olympe, en compagnie de ses deux frères et de ses trois sœurs qu’il avait
fait vomir par Saturne et qui, avec lui, constituèrent la première génération
des dieux de l’Olympe ; ses frères s’appelaient Neptune et Pluton, et ses
sœurs Junon, Cérès et Vesta.
Ils vécurent d’abord dans l’oisiveté et l’indolence, laissant
à Jupiter le soin de s’occuper de toutes les affaires du monde. Ce n’était pas
une tâche écrasante, car la cause principale des tracas et des soucis divins, à
savoir l’humanité, n’existait pas encore. Mais enfin, pour un seul dieu, cela
faisait tout de même beaucoup de travail. Ne pouvant avoir l’œil sur tout, Jupiter
ne s’aperçut pas que ses alliés de la veille, les Géants, mécontents de n’avoir
pas obtenu une part plus importante du pouvoir, complotaient contre lui et
projetaient de le détrôner.
Une nuit, ils décidèrent de passer à l’action. Pour s’emparer
de Jupiter, il leur fallait d’abord escalader l’Olympe, dont les parois étaient
très escarpées. Arrachant d’énormes blocs de pierre de deux montagnes voisines,
le mont Pélion et le mont Ossa, ils « entassèrent le Pélion sur l’Ossa »
et se mirent à grimper. Jupiter et ses frères, qui avaient bu la veille au soir
un peu trop de nectar, étaient profondément endormis et n’entendaient rien. Heureusement
pour eux, un aigle, que Jupiter avait apprivoisé et qui vivait près de lui, ne
dormait que d’un œil. Au moment où les premiers agresseurs parvenaient au
sommet,
Weitere Kostenlose Bücher