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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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part
parce que, ayant eu une brève liaison avec la bisaïeule d’Ulysse, il avait de
bonnes raisons de penser qu’Ulysse était son arrière-petit-fils naturel. Le
troisième était Apollon, pour une raison plus curieuse. Apollon, on le sait, était
le dieu de la musique. De toutes ses attributions, c’est celle dont il était le
plus fier, et de tous les éloges qu’on pouvait lui faire, ceux qui le
flattaient le plus étaient ceux qui s’adressaient à ses talents d’interprète ou
de compositeur. Pendant le siège de Troie, l’une de ses compositions, un triple
concerto pour cythare, lyre, flûte de Pan et orchestre, avait été jouée en
première audition mondiale par l’Orchestre symphonique des Myrmidons. Deux
jours plus tard, la gazette de l’armée grecque publiait une critique fort
élogieuse de ce concerto, rédigée sous un pseudonyme par Ulysse, dans le style
prétentieux et ampoulé qui est encore aujourd’hui celui de la plupart des
chroniqueurs musicaux :
    La souplesse transparente de l’écriture, mise ici au
service d’une thématique abstraite et rigoureuse, ne fait pas obstacle, notamment
dans les temps rapides, au chatoiement somptueux de l’instrumentation
chromatique. Dans les mouvements lents, la délicatesse du phrasé des cordes, la
richesse moelleuse du timbre des cuivres et la plénitude déliée des instruments
à percussion permettent au discours mélodique d’épouser toutes les inflexions
de l’argumentation dialectique.
    Apollon avait découvert sans difficulté que sous le
pseudonyme d’Euterpe, Muse de la musique, le signataire de la chronique n’était
autre qu’Ulysse ; il le tenait, depuis, en haute estime.
    Ayant mesuré la puissance des soutiens divins dont disposait
Ulysse, Neptune renonça provisoirement à mettre à exécution ses projets de
vengeance. Il décida d’attendre patiemment le moment où, par maladresse ou par
malchance, Ulysse se serait aliéné l’un ou l’autre de ses défenseurs, pour
demander alors à Jupiter l’autorisation d’intervenir. Jusque-là il comptait, pour
retarder le retour d’Ulysse, sur les incidents et les obstacles naturels qui n’allaient
pas manquer de surgir sur sa route.

L’outred’Éole
    Ayant quitté précipitamment l’île des Cyclopes, la petite
flotte d’Ulysse accosta, quelques jours plus tard, à celle d’Éole.
    Éole était le dieu des vents. C’est lui qui, sous la haute
mais lointaine autorité de Jupiter (et non de Neptune, comme on pourrait le
penser), faisait sortir de son antre, à sa volonté, le doux Zéphyr ou le
terrible Aquilon. Il fit bon accueil à Ulysse, lui offrit même l’hospitalité
pendant quelques jours. Charmé par la conversation et les récits d’Ulysse, il
tint à lui faire, au moment de son départ, un précieux cadeau :
    — Pour faciliter ton retour, je ne ferai souffler, pendant
quelques semaines, que le vent qui t’est favorable. J’ai enfermé tous les
autres dans cette outre de cuir, que je te remets. Prends bien garde de ne pas
l’ouvrir jusqu’à ton arrivée à Ithaque.
    Pendant trois jours et trois nuits, un vent constant poussa
la flotte d’Ulysse vers sa destination. De crainte que quelqu’un n’ouvrît l’outre
par mégarde, Ulysse ne l’avait pas quittée des yeux et s’était refusé à prendre
le moindre repos.
    Lorsque se leva l’aube du quatrième jour, Ulysse aperçut, à
l’horizon, la silhouette familière des montagnes d’Ithaque. Submergé de fatigue
et d’émotion, il se laissa aller au sommeil.
    À peine était-il endormi que quelques-uns de ses soldats s’approchaient
de l’outre avec curiosité. Depuis leur départ de l’île d’Éole, cette outre
avait été l’objet de toutes leurs conversations. Ils soupçonnaient qu’elle
contenait des cadeaux précieux remis par Éole à Ulysse et que celui-ci, pour ne
pas avoir à les partager avec ses compagnons, les dissimulait et les surveillait
jalousement. Voulant en avoir le cœur net, ils décident de jeter un petit coup
d’œil dans l’outre. Ils ne l’ont pas plutôt entrebâillée que tous les vents qu’elle
contenait s’échappent et déclenchent une effroyable tempête.
     

     
    Les navires sont emportés à toute vitesse vers le nord. En
quelques instants, les sommets d’Ithaque ont disparu comme un mirage. Après
avoir dérivé pendant plusieurs jours, la flotte d’Ulysse aborde les côtes d’un
pays inconnu, situé très au nord ; les navires y jettent

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