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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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coquillages, d’oiseaux
et de lapins. Ils jettent des regards d’envie sur les superbes bœufs, gras et
lustrés, qui paissent sans surveillance, dans les prairies voisines de la plage.
Une nuit enfin, Euryloque, le lieutenant d’Ulysse, profite de ce que celui-ci
est endormi pour réunir ses compagnons :
    — De tous les supplices, leur dit-il, le plus cruel est
celui de Tantale ; de toutes les manières de mourir, la pire est de mourir
de faim. Pour éviter une telle mort, il nous suffit d’abattre un ou deux de ces
bœufs magnifiques. Apollon ne s’en apercevra peut-être pas. S’il s’en aperçoit,
nous pourrons toujours apaiser sa colère par des sacrifices appropriés. Et si
même nous n’apaisons pas sa colère, eh bien, pour ma part, je préfère mourir
vite, le ventre plein, que lentement, le ventre vide.
    Ses compagnons l’approuvent. Ils abattent un bœuf, puis un
second, et, pendant qu’ils y sont, ils en abattent quatre autres.
    Lorsque Ulysse se réveille, le lendemain matin, les six
bêtes, proprement coupées, sont en train de cuire sur des broches,
    Ulysse perçoit aussitôt l’étendue du désastre ; il s’apprête
à fulminer contre ses compagnons et surtout contre Euryloque ; mais à quoi
bon, puisque le mal est fait. Silencieusement, il prend part au festin. Au même
moment, sur l’Olympe, Apollon et Neptune obtenaient de Jupiter carte blanche
pour châtier Ulysse et ses compagnons.
    La tempête s’étant apaisée, le navire reprend la mer. Mais
le répit n’est que de courte durée ; un orage éclate, suivi d’un cyclone. Des
lames gigantesques s’abattent sur le navire.
    Affolés, les compagnons d’Ulysse perdent la tête et n’obéissent
même plus à ses ordres. C’est en vain qu’il les exhorte au calme :
    — Ce n’est pas, leur crie-t-il, en fuyant de la proue à
la poupe que le marin se sauve du péril quand son navire est harcelé par les
flots.
    Personne ne l’écoute. Une vague plus haute que les autres
vient frapper le navire de plein fouet, le désintègre et balaie ses occupants. Tous
se noient, sauf Ulysse qui est parvenu à s’accrocher au mât. Un courant
irrésistible le ramène, à toute vitesse, vers Charybde et Scylla. Ses
possibilités de manœuvre sont presque nulles ; tout au plus peut-il
infléchir sa course vers l’un ou l’autre des deux îlots. Cette fois-ci, songe-t-il,
passer à portée des six têtes de Scylla ne lui laisserait aucun espoir, puisqu’il
est seul ; en revanche, avec un peu de chance, il peut espérer passer à
côté de Charybde sans être englouti. Il choisit donc Charybde. Mais la chance n’est
décidément pas avec lui. Au moment où il longe la falaise, un tourbillon se
forme sous lui et l’aspire irrésistiblement vers les profondeurs du gouffre.
    Est-ce la fin de ses aventures ? Pas encore ; indomptable,
résolu à retarder le plus longtemps possible le moment où il devra rejoindre
pour toujours ses compagnons au royaume des morts, Ulysse prend appui sur son
mât et, d’une détente désespérée, parvient à atteindre et à agripper la branche
d’un figuier sauvage qui poussait, en surplomb, dans une anfractuosité de la
falaise. Suspendu par les mains au-dessus du vide, il voit disparaître son mât dans
le gouffre écumant. Il n’a pas assez de force pour faire un rétablissement et
se hisser sur le tronc, mais il en a suffisamment pour ne pas lâcher la branche.
Il résiste ainsi une demi-heure à la fatigue et aux crampes, jusqu’à ce que
Charybde vomisse les flots qu’il avait engloutis, et avec eux le mât du navire.
Ulysse lâche alors prise, tombe à l’eau, remonte à califourchon sur le mât et
se laisse emporter par le courant vers une destination inconnue.

39. Le séjour chezCalypso
    Pendant
soixante-douze heures , accroché à son mât, Ulysse dérive sur une mer en
furie. Une vague finit par le jeter, inanimé, sur le rivage d’une île. C’était
l’île de la nymphe Calypso.
    Dans la hiérarchie divine, le titre de nymphe était, avec
ceux de naïade, de dryade, de satyre et de faune, l’un des plus modestes. Mais
il ne faut pas se fier aveuglément aux titres nobiliaires : de même que, dans
le Gotha de l’aristocratie européenne, certains comtes ou certains barons, dont
la noblesse remonte aux croisades, peuvent avoir la préséance sur des ducs ou
des princes d’origine plus récente, de même Calypso, toute nymphe qu’elle fût, était
la propre fille d’Atlas et

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