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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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dit-il en guise
de conclusion, je te conseille d’être prudent ; débarque incognito sur ton
île, et informe-toi soigneusement de la situation avant de te faire connaître. Car,
crois-moi, il faut se méfier des femmes : mon expérience le prouve.
    « Elle prouve surtout, observe Ulysse, qu’il faut se
méfier des peignoirs sans manches. »
    Mais voici que, par dizaines, les âmes des défunts accourent
vers Ulysse, se pressent autour de lui, l’accablent de leurs questions et de
leurs plaintes. Débordé, saisi de panique, Ulysse prend la fuite, saute dans la
barque de Charon, traverse le Styx et remonte vers la lumière du jour.
    « Achille a raison, se dit-il : les soucis des
vivants valent mieux que les regrets des morts. »

38. Ulysse reste seul
    revenu à bord de son
navire, Ulysse harangue ses compagnons. Il leur annonce de dures
épreuves, mais leur rappelle qu’ils en ont déjà surmonté bien d’autres et leur
demande de lui faire confiance pour les ramener chez eux. Grâce à la carte
marine que lui a remise Circé, et grâce surtout à l’expérience de navigation qu’il
a maintenant acquise, Ulysse sait à peu près où il se trouve et quelle
direction il doit prendre. Il sait aussi que, dans quelques jours, il passera à
proximité de l’île des Sirènes.

Les Sirènes
    Il se souvient de ce que Nestor lui a raconté sur la manière
dont Orphée a jadis échappé aux Sirènes. Mais il n’est évidemment pas question
pour lui d’employer le même moyen. Il lui faut en trouver un autre. Dès qu’il
entre dans la zone dangereuse, il réunit ses compagnons, les met au courant du
danger qui les menace.
    Pour leur éviter de succomber aux accents séducteurs des
Sirènes, il bouche les oreilles de ses compagnons à l’aide de petites boules de
cire qu’il a préalablement amollies entre ses doigts — procédé qui, s’il
avait eu l’idée de le breveter à l’époque, lui aurait rapporté depuis une
fortune. Lui-même, il aime trop la musique pour renoncer au plaisir d’entendre
les trois divas. Il s’abstient donc de se boucher les oreilles, mais, pour être
sûr de ne pas faire de bêtises, il se fait ligoter solidement par ses
compagnons au mât de son navire. Il a confié le commandement de l’équipage à
son second, le fidèle Euryloque. Comme le vent est tombé, c’est à la rame que
le navire pénètre dans les eaux territoriales des Sirènes. Bientôt, leur chant
parvient aux oreilles d’Ulysse. Il est d’une telle beauté qu’Ulysse, oubliant
toutes ses résolutions, brûle de s’approcher d’elles. Il crie aux rameurs de
changer de direction, les supplie de le détacher, emploie tour à tour la menace
et les promesses. Heureusement, ses hommes n’entendent pas plus sa voix que
celles des Sirènes ; voyant ses lèvres bouger, ils s’imaginent qu’il les
exhorte à ramer plus fort, et ils se penchent avec ardeur sur leurs avirons. Seul
Euryloque devine ce que crie Ulysse ; mais, conformément aux instructions
que celui-ci lui a données, il se contente de resserrer un peu plus les cordes
qui attachent Ulysse au mât.

Charybde et Scylla
    L’obstacle suivant, que devait franchir Ulysse, était
constitué par les deux rocs redoutables de Charybde et de Scylla. Par les
descriptions que lui en avaient faites Circé et Tirésias, Ulysse en connaissait
les principales caractéristiques. Ces deux rochers étaient situés tout près l’un
de l’autre, à une portée de flèche tout au plus. Il n’était possible de les
contourner ni par la droite ni par la gauche, en raison des récifs sous-marins
qui les prolongeaient de chaque côté sur une longue distance ; il fallait
donc absolument passer entre les deux ; mais ce n’était pas facile, car
chacun des deux rocs recelait un danger mortel.
    Charybde était un petit îlot d’apparence inoffensive, bordé
de falaises escarpées. Au pied de ses falaises, et au niveau de la mer, s’ouvrait
une anfractuosité profonde. Plusieurs fois par jour, à des intervalles de temps
irréguliers et sans préavis, une brusque dépression se creusait dans cette
anfractuosité et les flots s’y engouffraient en entraînant avec eux, dans un
irrésistible tourbillon, tous les objets ou embarcations flottant à leur
surface dans un rayon d’une centaine de mètres ; une demi-heure plus tard,
ponctuellement, le gouffre recrachait avec la même violence tout ce qu’il avait
aspiré. Dans l’intervalle, si par malheur quelque

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