Les Dieux S'amusent
Mais, comme Psyché avait su
gagner l’affection des animaux et même des plantes qui peuplaient son pays, grâce
à leur aide, elle put venir à bout de toutes les difficultés.
Lorsque Vénus lui demanda de trier, en une seule nuit, un
énorme tas de graines en séparant soigneusement le blé, l’orge, l’avoine et le
seigle qui s’y trouvaient mélangés, c’est le peuple des fourmis qui accomplit
pour elle le travail.
Lorsque Vénus lui demanda de recueillir, dans un flacon, l’eau
d’une rivière qui coulait au fond d’une gorge inaccessible, c’est un aigle qui,
prenant le flacon dans ses serres, alla le remplir.
Lorsque Vénus demanda à Psyché de lui rapporter une pelote
de fils de laine dorée pris dans la toison de bouquetins, ce furent les ronces
de la montagne qui arrachèrent les fils et les hirondelles qui allèrent les
chercher.
Pendant que Psyché surmontait ainsi ses trois premières
épreuves, Cupidon en subissait une autre, d’un genre bien différent.
Il s’apercevait que, le jour où il avait déclaré à Psyché, sur
un ton péremptoire, que « l’amour n’est pas possible sans la confiance »,
il avait proféré une contre-vérité et une ineptie. À cette époque déjà, comme
aujourd’hui, tous les gens qui faisaient profession de connaître le cœur humain,
c’est-à-dire les philosophes, les psychologues, les romanciers et les poètes, savaient
fort bien que c’est l’excès de confiance, plutôt que son absence, qui est
préjudiciable à l’amour. Les doutes, les suspicions, la jalousie, loin d’affaiblir
la passion amoureuse, ne font que l’exaspérer. Et Cupidon aurait dû le savoir
mieux que quiconque, lui qui s’était si souvent amusé à voir la flamme des amoureux
se nourrir de leurs inquiétudes. Mais voilà, on a beau être philosophe, psychologue,
romancier, poète ou même dieu de l’amour, on cesse d’être lucide lorsqu’on
commence à être amoureux. Loin d’oublier Psyché, Cupidon ne pensait plus qu’à
elle depuis qu’elle avait trahi sa confiance. À la fin, il n’y tint plus :
allant trouver sa mère, il lui dit qu’il n’aimerait jamais quelqu’un d’autre
que Psyché et qu’il voulait en faire sa femme.
Comme Vénus ne pouvait admettre que son fils épousât une
simple mortelle, elle obtint de Jupiter qu’il concédât l’immortalité à Psyché. Celle-ci
l’accepta de bon cœur et devint la femme de Cupidon.
— Et toi, conclut Calypso en s’adressant à Ulysse, es-tu
prêt maintenant à en faire autant ?
— J’ai encore besoin de réfléchir, lui répondit Ulysse.
40. Suite des histoires d’amour de Calypso
Après avoir entendu , de la bouche de Calypso,
un grand nombre d’histoires d’amour tirées de la chronique olympienne, et en
particulier le récit complet et inexpurgé des liaisons de Jupiter, Ulysse
demanda un soir à la nymphe si elle ne connaissait pas aussi des histoires d’amour
humaines.
— J’en connais beaucoup, lui répondit Calypso, et qui
te prouveront que les hommes, dans ce domaine, ne sont pas plus raisonnables
que les dieux.
Pygmalion et Galatée
Pygmalion était un jeune sculpteur de grand talent. Exclusivement
passionné pour son art, il ne s’intéressait pas aux femmes, qu’il ne trouvait d’ailleurs
jamais assez belles pour lui :
— La nature, disait-il, est pleine de défauts ; seul
l’art peut atteindre à la perfection.
Pour prouver sa thèse, il entreprit un jour de tailler dans
le marbre la statue d’une femme parfaite. Il y réussit si bien qu’il tomba
amoureux de son œuvre. Il se mit à la traiter comme une amante, à l’habiller de
vêtements élégants, à la couvrir de caresses et de baisers. Émue par l’ardeur
de cet amour bizarre, Vénus prit pitié du sculpteur et donna la vie à la statue,
qu’elle appela Galatée et que Pygmalion épousa.
— C’est le comble de l’égocentrisme, observa Ulysse.
— Non, lui répondit Calypso, le comble de l’égocentrisme
est l’amour de Narcisse pour lui-même, que je vais te conter.
Narcisse
Lorsque naquit Narcisse, un oracle annonça à ses parents qu’il
vivrait vieux et heureux s’il ne voyait jamais son propre visage. Sans bien
comprendre le sens de cette prophétie, ses parents bannirent de leur demeure
toute espèce de miroirs. En grandissant, Narcisse devint un adolescent d’une
exceptionnelle beauté. Toutes les femmes qui le voyaient brûlaient d’amour pour
lui.
La nymphe Écho, en
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