Les Dieux S'amusent
l’amour. Muni d’un arc et de flèches
invisibles, il possédait le redoutable pouvoir d’allumer la flamme de l’amour
au cœur des mortels ou même des dieux. Il lui suffisait pour cela de leur
décocher l’une de ses flèches magiques ; aussitôt, la personne qu’il avait
frappée tombait amoureuse de l’être ou même de l’objet sur lequel elle posait
le regard à cet instant précis.
C’est à son fils Cupidon que Vénus eut recours pour assouvir
sa jalousie à l’égard de Psyché. Elle lui demanda de rendre Psyché amoureuse d’un
homme qui fût à la fois laid, bête et méchant.
— Tu peux compter sur moi, lui répondit Cupidon, qui
éprouvait toujours un vif plaisir à démontrer, par des facéties de ce genre, que
l’amour est aveugle.
Mais les choses ne se passèrent pas du tout comme Vénus l’avait
souhaité et comme Cupidon l’avait prévu. Au moment où, descendu sur terre, il
posait le regard sur Psyché, ce fut lui, le dieu de l’amour, qui, pour la
première et unique fois de sa vie, tomba amoureux. C’est pourquoi, loin d’exécuter
les instructions de sa mère, il prit toutes les dispositions nécessaires pour
que Psyché ne s’éprît d’aucun mortel. Il espérait ainsi pouvoir lui-même la
séduire, lorsque l’occasion s’en présenterait.
Plusieurs mois passèrent. Les deux sœurs aînées de Psyché
avaient fait de beaux mariages, mais elle-même semblait devoir rester
célibataire. Son père s’en inquiéta et alla consulter un oracle. Celui-ci, soudoyé
par Cupidon, déclara que Psyché devait être conduite et laissée seule sur une
colline, où elle connaîtrait enfin l’amour.
Le jour suivant, conformément aux recommandations de l’oracle,
le père de Psyché mène sa fille au sommet de la colline, l’installe dans une
grotte assez confortable et, le soir venu, la laisse seule. Au milieu de la
nuit, alors que Psyché, inquiète, ne parvient pas à trouver le sommeil, elle
sent, dans l’obscurité, une présence à ses côtés. C’est Cupidon qui est venu la
rejoindre. Saisie d’un trouble délicieux, elle s’unit à lui et connaît les
douceurs de l’amour. Cependant, peu avant le lever du jour, son amant inconnu
lui dit qu’il doit la quitter et qu’il ne reviendra que la nuit suivante :
— Notre amour, explique-t-il, ne peut durer que si tu
ne vois jamais mon visage.
La vérité, c’est que Cupidon était honteux d’être tombé
amoureux et ne voulait à aucun prix que cela se sût.
Pendant plusieurs nuits successives, Cupidon vint ainsi
rejoindre Psyché, à qui il avait fait promettre de ne jamais essayer de le voir ;
il la quittait toujours avant l’aube. Malgré sa curiosité, elle aurait sans
doute tenu sa promesse si elle n avait reçu, un matin, la visite de ses deux
sœurs. Celles-ci, jalouses du bonheur qu’elles pouvaient lire sur la
physionomie de Psyché, s’efforcèrent de jeter le doute et l’inquiétude dans son
esprit en insinuant que son amant anonyme devait être un monstre repoussant. En
la quittant, elles lui donnèrent un conseil perfide :
— Pour en avoir le cœur net, la nuit prochaine, lorsque
ton compagnon dormira à côté de toi, allume une lampe et regarde son visage.
Après avoir beaucoup hésité, Psyché décide de suivre le
conseil de ses sœurs. Quels ne sont pas sa surprise et son soulagement lorsque,
au lieu du monstre hideux qu’elle craignait de découvrir, elle aperçoit, à la
lueur tremblante de sa lampe à huile, un visage d’une beauté plus qu’humaine. Mais,
tandis qu’elle le contemple avec émotion, une goutte d’huile brûlante coule de
la lampe et tombe sur le front de Cupidon. Celui-ci, se réveillant en sursaut, comprend
que Psyché a violé son serment. Il se lève et, sans même lui donner un baiser d’adieu,
prend congé de Psyché pour toujours :
— L’amour, lui dit-il, n’est pas possible sans la
confiance.
Il retourne sur l’Olympe, avoue tout à sa mère, et lui
demande de punir Psyché.
Vénus, on s’en doute, est enchantée de pouvoir lui rendre ce
service. Elle descend sur terre, se dirige vers la grotte où elle trouve Psyché
en larmes.
— Je suis Vénus, lui dit-elle, ton amant n’était autre
que mon fils Cupidon. Non seulement tu l’as perdu pour toujours, mais tu vas
devoir en outre expier ta trahison par de durs labeurs.
Les tâches successives que Vénus imposa à Psyché étaient
presque aussi difficiles que les travaux d’Hercule.
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