Les dîners de Calpurnia

grand artiste et un bon pére. Il est de ton devoir de célébrer et de perpétuer sa mémoire.
    - Es-tu au moins heureuse de m'avoir retrouvé ? quelle place me gardes-tu dans ton cúur et dans cette maison ?
    - La premiére, mon chéri, celle du maître. Mon cúur t'appartient, tu le sais. quant à la maison, tu vas devoir la réveiller. On en a souvent parlé
    avec les amis qui nous restent. Toi seul peux succéder à Sevurus et à
    Celer...
    - Et à Rabirius !
    - Si tu veux !
    - La mission que tu me confies m'honore mais elle m'embarrasse. Le Vélabre, c'est toi !
    - Alors nous ranimerons ensemble la pierre et le marbre endormis. C'est une belle t‚che, non, qui nous attend ?
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    Petronius
    quelques semaines aprés le retour de Petronius, la maison retrouva pour un soir l'enchantement des réunions qui, durant de longues années, avaient marqué la vie intellectuelle de Rome. Pline, dont les visites étaient rares et bréves, avait prévenu qu'il viendrait volontiers ce deuxiéme jour des calendes partager la cena au Vélabre. " J'ai une nouvelle à vous annoncer
    ", avait-il simplement écrit à Calpurnia. Celle-ci avait aussitôt prévenu Juvénal et demandé d'inviter en son nom quelques-uns de ses amis les plus brillants.
    - Moi, je ne connais plus personne, lui avait-elle dit. Essaie d'amener Tacite. Jadis il est venu dîner une fois ou deux. Peut-être s'en souvient-il ? Mais c'est aujourd'hui un personnage considérable et il est vieux. Je comprendrais son absence.
    - Il est vieux, dis-tu ? Sais-tu qu'il a exactement mon ‚ge!
    - Alors il est encore trés jeune ! Je vais vite parcourir sa Vie d'Agricola. Il faut, vois-tu, que je réapprenne mon rôle de maîtresse de maison ! qu'écrit-il en ce moment, que j'aie l'air au courant ?
    - Historiée. C'est une úuvre considérable qui commence aprés la mort de Néron. quand il saura que son ami Pline est à l'origine du dîner, il viendra s˚rement. Ces deux-là ne cessent de s'écrire. Un jour, leur correspondance sera peut-être publiée... Et pourquoi n'inviterais-tu pas Suétone ?
    Encore un protégé de Pline. Cela fera beaucoup d'historiens mais, en général, ce sont des gens qui ont quelque chose à dire.
    Tacite répondit qu'il viendrait. Et Suétone aussi. Le jour du dîner, Calpurnia rajeunit de dix ans. Elle avait passé trois heures aux thermes, s'était fait masser et coiffer avant de retirer d'un coffre qu'elle n'ouvrait plus depuis longtemps une robe aux drapés aériens, taillée dans l'étoffe que Celer lui avait jadis rapportée d'un voyage à Naples. Une ceinture en or tressé parachevait l'élégante tunique. Elle l'avait essayée la veille du dîner devant Petronius en lui demandant si elle n'était pas trop vieille ni trop emp‚tée pour porter un tel vêtement. Il s'était récrié
    et avait répondu qu'il avait la grand-mére la plus svelte et la plus jeune de Rome.
    - Tu sais, lui avait-elle dit, Pline est l'instigateur de cette réunion mais c'est toi le nouveau maître du Vélabre.
    - Merci, grand-mére. Je suis sensible à ta pensée mais Calpurnia reste l'‚me de la maison, son inspiratrice, sa reine. Je ne me sens pas de taille à briller devant tes amis. Ce sont tous des hommes supérieurs et moi je ne sais rien. Me vois-tu converser avec Tacite et Pline sur la composition idéale d'un discours ?
    - Tu ne feras rien de cela. Tu intéresseras ces beaux esprits en leur parlant de tes projets, en leur montrant comment se comporte aujourd'hui un jeune Romain devant la vie. D'abord, tu écouteras beaucoup, et lorsque Pline ou Juvénal améneront la conversation sur le métier que tu as choisi, tu expliqueras trés simplement pourquoi tu as renoncé à l'architecture. Tu leur parleras du marbre et, si tu es aussi convaincant que l'autre jour, crois-moi, ils seront attentifs !
    - Bien, tu me tranquillises, mais je voulais te poser une question que tu ne dois pas prendre mal : ne crois-tu pas que ces gens, je ne parle pas de Juvénal qui fait partie de la famille, vont trouver que nous festoyons bien tôt aprés !a mort de Rabirius ? Ne seront-ils pas choqués ?
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    - Non. Rassure-toi, les convenances seront respectées. J'ai demandé à
    Juvénal, qui est trés fort à ce jeu, de faire un petit discours pour rendre hommage au talent de Rabirius, dire combien son absence volontaire et définitive nous peine, et d'ajouter que si les dieux lui permettent de nous voir, il doit être heureux de constater que l'esprit du Vélabre