Les dîners de Calpurnia
route deux jours plus tard.
quand les litiéres furent reparties vers le centre de la ville, Calpumia ouvrit les bras à Petronius :
- Tu as été parfait. Je suis si heureuse ! J'ajoute même, cela te surprendra peut-être, que Rabirius aurait été fier de toi.
Juvénal, fatigué, ou qui prétendait l'être, était resté pour dormir au Vélabre. Lui aussi congratula Petronius et dit à Calpumia qu'il avait un message à lui transmettre mais qu'il n'avait pas jugé opportun de parler devant tout le monde.
- Tu m'intrigues, dit Calpumia. D'habitude, c'est Pline qui ménage ses effets. Va. Parle !
- J'ai rencontré ce matin Apollodore de Damas au palais. Il dit t'avoir rencontrée mais je crois que tu ne le connais pas.
- Non. Je sais qu'il est l'architecte bien-aimé de Trajan. C'est tout.
- C'est lui qui a volé la place de mon grand-pére ! s'écria Petronius.
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I
- Ne dis pas de sottises, répondit Juvénal. Tu sais trés bien que Trajan voulait son architecte, un artiste qu'il aurait choisi et qui ne péserait pas sur lui du poids des grands travaux menés à bien par ses prédécesseurs.
Cela peut se comprendre. Réalisé par ton grand-pére, le forum de Trajan n'aurait été que l'agrandissement de celui de Nerva. D'ailleurs, Trajan connaît Apollodore depuis ses campagnes contre les Parthes. Ingénieur du génie, il ne construisait alors que des fortifications et des ponts de bois pour les troupes. L'homme lui a plu. Il a montré avec le grand pont sur le Danube, celui auquel Julius Lacer a travaillé, qu'il pouvait aussi b‚tir en pierre. L'Empereur l'a ramené à Rome et Rabirius dés lors était de trop. Il avait été l'architecte de Domitien, de Titus et de Nerva, un peu même celui de Vespasien pour le grand amphithé‚tre, il ne pouvait être celui dont les monuments perpétueraient la mémoire de Trajan.
- Je comprends.
- que veut donc Apollodore ?
- La permission de venir te voir, Calpumia.
- Me voir ? Pour quoi faire ?
- Il veut te dire qu'il est étranger au drame qui a frappé la maison, qu'il avait un grand respect pour Rabirius, qu'il avait longtemps espéré
collaborer avec lui mais que César avait tranché.
- Même si cela n'est pas tout à fait vrai, c'est gentil à lui de le faire savoir. Je ne peux pas refuser de le recevoir mais je n'ai rien à lui dire, en tout cas je n'ai pas envie de me livrer en sa compagnie à un concert de lamentations à propos de Rabirius.
- Il posséde la distinction des Grecs et la finesse des Orientaux, je crois qu'il saura être discret. Mais j'ai un aveu à vous faire. J'ai cru souhaitable de lui parler de Petronius.
- Pourquoi tout le monde se mêle-t-il de mes affaires ? s'exclama le jeune homme.
- Figure-toi que c'est un artiste dans le sens complet du terme. Il est un b‚tisseur, en effet, mais il est aussi
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sculpteur et a, m'a-t-on dit, du talent. quand je lui ai parlé de toi, de ton refus de devenir architecte, de ta vocation naissante, il m'a dit que tu l'intéressais et qu'il pourrait peut-être t'aider car il veut former à
Rome, autour de son atelier, un noyau déjeunes artistes représentant différentes disciplines. Je lui ai encore demandé s'il connaissait un maître sculpteur. Il m'a répondu : " Oui, le rnien. C'est un Grec d'autrefois qui me donne encore des leçons quand j'ai le temps de satisfaire à ma passion pour la taille du marbre. " Voilà. Si j'ai eu tort de me préoccuper de ton avenir, n'en parlons plus. Je dirai à Apollodore que la maîtresse du Vélabre, mal remise de son deuil, ne reçoit personne.
- Ne te f‚che pas ! dit Calpurnia qui avait senti la pique de Juvénal. Je verrai ton Syrien quand il voudra. Et je suis s˚re que Petronius, son mouvement d'humeur passé, parlera volontiers avec lui. Maintenant, je veux vous poser une question à tous les deux. Le départ de Pline est la raison qui m'a poussée à organiser ce dîner. Dans mon esprit, c'était exceptionnel. Mais comme tout le monde paraît y avoir trouvé plaisir, je me demande si l'on ne pourrait pas de temps en temps reprendre nos vieilles habitudes.
- J'applaudis à ta proposition, dit Juvénal. Je me suis rendu compte ce soir combien nos réunions me manquaient. Mais j'ai eu aussi conscience que les convives avaient pris de l'‚ge, à commencer évidemment par moi. Pline parti, j'ai peur que l'on ne se lasse vite des théories de Tacite sur l'éloquence. A part Suétone, le plus jeune d'entre nous, qui est agréable
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