Les dîners de Calpurnia

cours des réunions du Vélabre et qu'on lui accordait jadis, au temps de Sevurus et de Celer, beaucoup d'importance.
    Mais j'avoue que les rumeurs qui circulent sur tel ou tel favori de l'Empereur
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    ne me passionnent pas. D'ailleurs, Calpurnia dit que tout est si clair avec Trajan qu'il n'y a pas de ragots à colporter.
    - C'est vrai en partie. Nous ne sommes plus au temps des complots, des assassinats, des empoisonnements. Pourtant il se passe tout de même des choses importantes derriére les murs du Palatin que Rabirius a b‚tis. Et il est bon qu'un jeune comme toi se tienne au courant de la maniére dont le gouvernement prépare l'époque qui sera la sienne. As-tu entendu parler d'Hadrien ?
    - Oui, naturellement. Les jeunes Romains le considérent un peu comme leur idole. On sait qu'il a accompli, trés jeune encore, des exploits dans les campagnes d'Orient. Trajan ne l'a-t-il pas adopté ?
    - Hadrien est le fils de son cousin germain et César est devenu son tuteur.
    De plus, Hadrien a épousé Sabine, une petite-niéce de l'Empereur. Il fait donc partie de la famille.
    - Tout cela signifie-t-il qu'il lui succédera ?
    - En principe, oui. Tout le monde, y compris Hadrien, le croyait, mais il semble que cette succession soit remise en question.

    - Voilà o˘ la politique redevient intéressante ! remarqua Petronius. que s'est-il passé ?
    - Je pense qu'Hadrien a manifesté trop franchement son impatience de diriger l'Empire, qu'il a imprudemment critiqué certaines mesures militaires prises par Trajan. Tu sais, les rois envisagent volontiers leur succession quand ils sont encore jeunes mais, au fur et à mesure qu'ils se rapprochent de la mort, cette perspective les agace et ils pensent reculer l'échéance en feignant d'ignorer les inévitables problémes que causera leur effacement. Ainsi l'Empereur, dont la décision n'avait jamais fait de doute, hésite-t-il aujourd'hui à désigner Hadrien, ce qui suscite à la cour des compétitions malsaines.
    - Je déteste Trajan, dit le jeune homme. Pour ce qu'il a fait à Rabirius et aussi pour la maniére dont il se conduit avec son fils adoptif.
    - Ce sont des griefs qui se comprennent mais qui ne 305
    péseront pas lourd quand on les comparera aux bienfaits qui ont marqué son régne. D'ailleurs je ne crois pas que Trajan ait renoncé à désigner Hadrien. Il s'amuse à mon sens en faisant languir celui qui se montre trop pressé. Et puis, Hadrien a une alliée trés puissante, Plotine, la femme de l'Empereur. Elle veille sur lui depuis de longues années. Tous deux - ils ont à peu prés le même ‚ge - sont liés d'amitié. Elle l'a toujours défendu contre son ennemi juré, Celsius, l'homme de confiance de l'Empereur, et elle a toujours gagné. Hadrien se trouve, certes, dans une situation inconfortable, mais les jeunes Romains peuvent être rassurés : c'est lui qui deviendra empereur !
    - Merci de m'avoir confié tous ces secrets. Ma grand-mére sera surprise lorsqu'elle s'apercevra que je m'intéresse aux intrigues de l'Etat.
    - Je crois qu'elle n'a pas fini d'être surprise ! Maintenant, si tu veux imiter Hadrien que tu semblés admirer, sache qu'il est doué d'une grande intelligence et qu'il ne cesse d'apprendre. Historien, il écrit, poéte, il compose des vers qui ne sont peut-être pas géniaux mais qui montrent son désir de tout savoir et de savoir tout faire. Epris de philosophie, il est un fidéle disciple du stoÔcien Epie-tête. Cela pour te dire que tu dois apprendre toi aussi. Un artiste ne peut être grand que s'il est cultivé !
    Petronius était ébloui. Il lui semblait que sa vie venait de prendre un sens qui lui manquait et il lui tardait de pouvoir affirmer ses nouvelles préoccupations d'adulte.
    Emu, inquiet, à la fois triste et plein d'énergie, Petronius poussait deux jours plus tard le portail du Vélabre. La maison paraissait en léthargie.
    L'esclave chargé de la réception n'était pas à son poste. Seul le murmure du jet d'eau de l'atrium parvenait à ses oreilles.
    Il s'arrêta un instant pour plonger sa main dans le bassin et se rafraîchir le front, comme il l'avait fait si souvent durant sa jeunesse, puis se décida à appeler pour que quelqu'un vienne s'occuper de son bagage. C'est fina-I
    lement Ceria, l'intendante, qui arriva en courant et se confondit en compliments devant Petronius qui avait quitté la maison sous les traits d'un adolescent et revenait grand et fort comme un homme :
    - Pour un peu, je ne t'aurais