Les dîners de Calpurnia
Calpur-nia. Loin de se dérober, Calpurnia provoqua un vrai baiser. C'est Celer qui se dégagea le premier. Il savait qu'il n'avait qu'un geste à faire, pas même un mot à
prononcer, pour entrer avec Calpurnia et l'étreindre, mais il s'écarta en murmurant :
- Non, Calpurnia. Valerius est dans la maison et il est ton amant... Si un jour tu m'appartiens je serai le seul à t'aimer. Tu me comprends ? Mais, ce soir, pourquoi ne l'as-tu pas accueilli dans ta chambre comme tu en as l'habitude lorsqu'il reste à la villa ?
- Parce que je savais que cela te ferait mal. Et aujourd'hui je voulais que tu sois heureux. Mais serons-nous seulement heureux ensemble un jour ?
- C'est mon rêve de toujours... Mais c'est toi qui décideras.
Ils se quittérent et ni l'un ni l'autre, le lendemain, ne firent allusion à
l'instant qui avait failli les unir ; mais Calpurnia, pour la premiére fois, eut conscience qu'elle n'épouserait jamais Valerius et que sa liaison vivait ses derniers feux. Celer, lui, se dit que les femmes étaient étranges, puis s'avoua que son comportement n'était pas non plus exempt d'ambiguÔté.
Fin de régne
C'est à Naples, o˘ se trouvait Néron, qu'eut lieu la premiére rencontre avec Tiridate. Vêtu d'une tunique d'or bordée de pierreries, le prince présenta sa femme coiffée d'un casque étincelant qui dissimulait une partie de son visage. Une réception fut organisée tout de suite à Pouzzoles mais la vraie cérémonie était prévue à Rome.
Au milieu de sa garde prétorienne, Néron ouvrit la route devant le cortége de la cour orientale. Tout au long de la via Latina les populations accourues acclamérent l'Empereur et le roi des Parthes qui firent une entrée commune dans l'urbs en liesse. Les maisons avaient été pavoisées, fleurs et guirlandes tombaient des péristyles, l'encens br˚lait au coin des rues. Partout une foule enthousiaste se pressait pour apercevoir ce roi venu de si loin faire acte d'allégeance au prince de l'Univers. Néron, c'était tout à son honneur, avait consolidé la paix sur le Rhin et le Danube, l'entrée des puissances orientales dans la sphére romaine couronnait son úuvre de politique extérieure.
Le roi Tiridate arrivait d'un pays habitué aux splendeurs et aux apparats.
Il ne put pourtant cacher son étonnement admiratif en découvrant la gigantesque statue qui écrasait la ville de ses ors.
- C'est toi, César ? demanda-t-il par le truchement d'un interpréte.
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- C'est Rome ! répondit Néron, toujours prêt à s'identifier à sa cité.
Sans quitter officiellement le Palatin, l'Empereur s'était installé dans la Domus Aurea à l'occasion des réceptions données en hommage au roi Tiridate. Le temps de se rendre compte que l'accumulation de villas,
"< de palais, de jardins, de piéces d'eau et de péristyles sur un emplacement grand comme une ville ne pouvait rai- I sonnablement avoir d'autre objet qu'ébahir les princes étrangers.
La caravane royale avait à peine repris la route de l'Est vers les plateaux iraniens et irakiens qu'une nouvelle disparition obscurcit le ciel romain.
Thraseas, l'une des plus nobles figures de l'Empire, gloire du Sénat o˘ il jouissait d'une haute autorité, symbole de sagesse et grand caractére, venait d'être déclaré coupable et invité à choisir sa mort. Coupable de quoi sinon d'une réserve silencieuse sur des décisions qu'il n'approuvait pas ? Comme sa probité n'était pas mise en cause et que l'on ne pouvait décemment condamner un citoyen de cette stature sous prétexte qu'il n'avait pas assisté aux funérailles de Poppée et qu'il refusait de participer aux sacrifices rituels ordonnés pour le salut de l'Empereur et la protection de sa voix divine, Tigellin avait eu recours, comme d'habitude, aux faux témoignages. Il avait soudoyé une fille et trouvé un sénateur véreux pour déclarer que Thraseas et son entourage participaient à des sacrifices, procédaient à des incantations pour jeter le mauvais sort sur César. Mieux qu'un procés politique toujours délicat, la magie eut raison de l'honneur.
Invité à se supprimer, Thraseas mourut avec dignité en avalant le contenu d'un flacon d'aconit qu'un centurion lui avait apporté de la part de César.
Il n'y eut pas à Rome une maison de patricien, d'homme honnête ou simplement cultivé o˘ l'on ne parl‚t de ces condamnations en série qui faisaient peur et discréditaient l'Empire. A la villa du Vélabre, l'injustice de la mort de
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