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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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Belle-sœur
     
     
    C'est pour cette raison que je voulais voir le Sefer
Stryj, et il va sans dire que si j'avais repéré ce livre des années plus
tôt, j'aurais su que ma grand-tante Ester avait un frère, Emil, qui n'avait pas
péri et que j'aurais peut-être retrouvé avant ce jour de 1999 où son fils m'a
appelé de nulle part dans l'Oregon pour me dire, entre autres choses, que
Minnie Spieler était la sœur d'Ester.
    Je regardais donc les noms de mes morts – remarquant
(comment ne pas le faire ?) que le nom de Shmiel, SAMUEL, avait été
grossièrement mal orthographié, peut-être à cause de cette particularité
d'écriture, le l minuscule barré, un véritable tic, aujourd'hui
disparue, mais répandue à l'époque dans une certaine partie de la population du
coin, qui avait transformé la « Ruchaly » de Shmiel en
« Ruchatz » à mes yeux – je regardais ces noms, dont la présence
sur la page semblait obscurément constituer une confirmation de quelque chose,
peut-être le fait que ces gens que je recherchais existaient en dehors des
histoires et des souvenirs privés de ma famille, et c'était une satisfaction
pour moi. Mais, alors que je regardais, je me suis senti tout à coup idiot
d'avoir demandé à Mme Begley de consulter son livre en quête de parents que je
n'avais jamais connus et qui restaient une chose abstraite pour moi à ce
moment-là, quand tant de ses parents, si proches d'elle, se trouvaient là
aussi.
    Vous comprenez, a-t-elle répété en tirant un peu le livre
pour passer une main translucide et fraîche sur la page, j'étais blonde et je
parlais l'allemand. Je pouvais passer. Ma mère était très belle, mais comme
l'est une Juive. Elle était ce qu'ils appellent une vraie Rebecca, une
belle femme juive.
    Elle a cessé de parler quelques instants et s'est contentée
de me regarder, fixement mais avec méfiance, de son œil un peu fermé, le bon
– soit pour se donner une composition pour l'histoire suivante, soit (plus
probablement, je suppose) parce qu'elle doutait que j'appréciasse ce qui allait
venir, je ne saurais le dire. Je buvais mon thé en silence. Puis, elle a repris
sa respiration, qui était aussi un soupir, et elle a commencé à me raconter ses
histoires de ruses et de survie, et d'autres histoires encore. Celle, par
exemple, où elle avait, une fois cachée elle-même, soudoyé quelqu'un pour faire
venir dans un endroit donné ses parents et ses beaux-parents, et les faire
passer dans un endroit sûr, pendant la grande rafle des Juifs de Stryj à
l'automne 1941, et comment, en arrivant à ce rendez-vous, elle avait vu passer
un wagon rempli de cadavres empilés, au sommet desquels se trouvaient les
vieilles personnes qu'elle était venue secourir.
    Vous voyez, a-t-elle dit, j'ai reconnu mon beau-père à la
longue mèche de cheveux blancs qu'il avait.
    Et puis, elle a ajouté ceci : comme elle était elle-même en
danger, comme elle était en train de « passer » elle aussi, elle
n'avait pas pu se permettre de trahir ses émotions à la vue des cadavres de sa
famille qui passaient dans le wagon...
     
     
    – Donc, quand
j'entends parler de ruse et de survie, de couleur de cheveux ou d'yeux,
je pense à Mme Begley, et je suis aussi tenté de penser à mon grand-père et de
me demander s'il aurait survécu, lui aussi. Et comme je le sais, bien des gens
intelligents n'ont pas pu.
    Que nous dit d'autre le passeport de mon grand-père, en
dehors du fait que, à l'âge de dix-huit ans, il était pâle aux yeux bleus et au
nez droit ? Je savais, grâce à ses histoires, qu'il était arrivé en novembre
1920 (cet élément peut être confirmé sur le site Internet d'Ellis Island : il
est en effet arrivé le 17 novembre 1920, à bord du SS Nieuw Amsterdam, accompagné
par une sœur qui apparaît sur les fichiers sous le nom de « Sosi
Jäger », originaire de « Belchow, Pologne », ce dernier élément
étant un nom que je sais inexact, mais que quelqu'un d'autre pourrait, à
l'instant même, noter soigneusement sur une fiche quelque part). Mais que
s'est-il passé exactement entre le 9 octobre, jour où il a reçu son passeport,
et le 17 novembre, date de son arrivée, comme nous le savons ? Le passeport
remplit un certain nombre de blancs de ce voyage singulier. Par exemple, je
sais que, le 12 octobre, il était à Varsovie, où il s'est rendu aux consulats
néerlandais et américain. Je sais que, le 14 octobre, il est allé au consulat
d'Allemagne,

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