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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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était bien plus petit que je l'avais imaginé,
à échelle humaine. Le petit balcon de notre chambre d'hôtel donnait, au-delà
d'une étendue d'eau claire, sur l'Opéra ; et chaque fois que nous nous levions,
plutôt hébétés, ce samedi après-midi-là, pour marcher et retrouver l'usage de
nos jambes après tant d'heures d'avion, après tant de fuseaux horaires
traversés, nous sortions sur le balcon pour nous assurer que l'Opéra de Sydney
était bien là, que nous étions bien arrivés jusqu'ici. Nous titubions sur la
moquette de notre chambre d'hôtel et nous regardions avec reconnaissance le
monument : petit, indifférent, là.
    C'était un samedi, une journée perdue. C'est le dimanche que
nous avons parlé aux gens que nous avions fait tout ce chemin pour rencontrer.
    Dans les semaines qui avaient précédé notre arrivée, Jack
m'avait rappelé qu'il n'était pas le seul habitant de Bolechow à avoir fini par
se retrouver en Australie. En dehors de son frère cadet, Bob, avec qui il avait
survécu à la guerre, il y avait d'autres gens « intéressants »,
m'avait-il dit, que j'aimerais rencontrer : une femme qui avait été une amie de
Frydka ; une vieille parente à elle qui, étonnamment, était assez âgée pour
avoir connu mon grand-père quand il vivait encore dans la ville ; un homme qui
avait été le voisin de Shmiel. Et Jack avait donc invité tout le monde chez lui
à Bellevue Hills, près de Bondi Beach – à vingt-cinq minutes en voiture
environ de notre hôtel du centre de Sydney. Bondi Beach ne signifiait
rien pour moi, mais Matt avait répété le nom, visiblement impressionné, quand
je lui avais fait suivre le fax que m'avait envoyé Jack, avec les informations
sur les hôtels du coin et le trajet en voiture.
    Bondi Beach ! a dit Matt. C'est un endroit
célèbre pour les surfeurs ! Les gens viennent du monde entier pour faire
du surf sur cette plage !
    Bon, ai-je répliqué, nous avons fait le tour du monde pour
venir parler avec les habitants de Bolechow qui vivent là-bas. J'ai soudain
redouté qu'il veuille nous emmener surfer ; il avait été dans l'équipe
d'athlétisme du lycée, il avait sauté en parachute. Mais non, il était
simplement amusé : il aimait tout simplement le fait qu'une bande de vieux
Juifs polonais avaient décidé de s'installer dans un paradis pour surfeurs.
    Le dimanche, donc, nous sommes allés à Bondi Beach. Un taxi
nous a déposés devant l'immeuble d'apparence luxueuse de Jack et nous avons
pris l'ascenseur jusqu'à son étage. Regarde, a dit Matt avec un sourire un peu
sournois, en pointant le doigt vers la plaque de métal vissée sur le sol de
l'ascenseur, sur laquelle on pouvait lire le nom du constructeur, schindler, On monte avec
Schindler !
    J'ai haussé les sourcils et dit, Oy vey.
    Jack est venu nous ouvrir la porte lorsque nous avons sonné.
C'était un petit homme sec et nerveux, avec un visage allongé qui était à la
fois doux et, peut-être, un peu triste : le menton proéminent était
contrebalancé par les yeux mélancoliques et circonspects. Des touffes de
cheveux gris clairsemés étaient soigneusement peignées de chaque côté de la
tête. Il nous a fait signe d'entrer de la main droite. L'appartement était
plaisant et confortable, baigné d'un soleil qui entrait par des baies vitrées,
du sol au plafond, donnant sur un balcon rempli de fleurs. La salle de séjour
était bleue et crème ; sur le côté brillaient des tables en verre et en cuivre.
Il y avait quelque chose d'une prudente et plaisante neutralité dans la
décoration de cet appartement, quelque chose que j'avais remarqué aussi dans
l'appartement de Mme Begley, avec cette porcelaine et ce mobilier en bois blond
immaculés des années 1950 et 1960 l'élégante menorah en métal très
« contemporaine ». Cela m'avait intrigué, au cours de mes visites de
plus en plus fréquentes à l'appartement de Mme Begley, et c'était seulement
maintenant, debout dans l'entrée du confortable appartement de Jack Greene à
l'autre bout du monde, qu'il me venait à l'esprit qu'il n'y avait pas la
moindre trace des objets de famille qu'on pouvait voir, par exemple, dans la
maison de ma mère, les photos de famille dans les grands encadrements et les
encriers en marbre anciens, les menorahs en cuivre anciennes (comme
celle avec les Lions de Judée rampants que mon grand-père avait laissée à ma
mère), les minuscules jeunes mariés en papier qui avaient surmonté le gâteau

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