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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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comme à des gens ordinaires plutôt que
de les considérer comme des icônes couleur sépia ? J'ai décidé d'essayer de
provoquer Mme Grossbard.
    Vous savez, lui ai-je dit, vous avez connu ces filles quand
elles étaient des petites filles, mais vous les avez aussi connues
adolescentes. Est-ce qu'elles avaient de bons rapports avec leurs parents,
est-ce qu'elles se plaignaient d'eux ?
    Elle a paru troublée, comme si elle ne savait pas où je
voulais en venir.
    Ecoutez, m'a-t-elle dit, nous étions très jeunes quand la
guerre a éclaté...
    Oui, me suis-je dit, je sais. Les Archives de l'État
polonais m'ont envoyé une copie du certificat de naissance de Frydka.
Vingt-deux octobre 1922. Elle n'avait même pas dix-sept ans au début de la
guerre, pas tout à fait dix-neuf quand les Soviétiques ont battu en retraite et
que les Allemands sont arrivés. Vingt et un, probablement, quand elle est morte
– s'il est vrai qu'elle est partie dans la forêt rejoindre les partisans
de Babij en 1943, ce qu'il est impossible de savoir avec certitude. Je savais
qu'elles étaient toutes jeunes quand la guerre avait éclaté, ces filles, mais
j'avais la vague impression, à la façon dont Meg avait évité de parler de
Frydka adolescente, qu'elle l'avait fait parce que c'était un sujet qui pouvait
conduire à un autre qu'elle était encore moins prête à discuter. Et il se
trouve que j'avais raison.
    Bob Grunschlag nous a interrompus à cet instant précis. Qui
oserait se plaindre de ses parents ? a-t-il dit en souriant.
    Tout le monde a ri. Alors que les gens ricanaient encore,
j'ai entendu Meg s'adresser à Jack de l'autre côté de la table, à voix basse.
Elle disait : Je ne me souviens pas exactement quand Frydka... était avec
Tadzio Szymanski ? Elle était avec Tadzio ?
    Entre mon ignorance des prénoms polonais, à ce moment-là, et
la façon dont elle avait prononcé ces quatre derniers mots, qui avaient sonné à
mon oreille comme elle était avec Tadzio, il m'était impossible de dire
quel était ce nom précisément.
    J'ai demandé qui était ce Stadzio ou Tadzio Szymanski.
    Non, non, non, non, a répondu immédiatement Meg. Sa voix
était ferme ; elle avait dû être une formidable jeune femme, ai-je pensé. Puis,
elle a rectifié le ton, en l'adoucissant pour faire croire qu'il s'agissait de
quelqu'un sans importance.
    Frydka était amie avec quelqu'un que vous ne pourriez pas
connaître, mais que Jack a connu.
    Meg regardait, à cet instant précis, au-delà de Bob, à qui
elle a dit, Tu ne sais rien.
    Puis, Jack s'est tourné vers Meg et a dit, pour la corriger, Ciszko Szymanski.
    Meg a hoché la tête pour faire oui. Ciszko, a-t-elle répété.
A mon oreille, ça sonnait comme Chissko. De nouveau, j'ai demandé de
quoi ils parlaient. Non, non, non, non. Rien. Rien ?
    Jack a dit, J'essayais de me souvenir d'un garçon, un garçon
qui n'était pas juif.
    Meg a paru agacée.
    Quelqu'un sortait avec un garçon qui n'était pas juif ?
ai-je demandé.
    Attendez un peu, a dit Meg. Non, non, non, non. Cela ne doit
pas figurer dans les dossiers officiels.
    Jack a ri en pointant le doigt vers moi. Vous voyez, a-t-il
dit, vous apprenez des choses maintenant !
    Tout le monde a ri, sauf Meg. J'avais l'impression, comme
c'est souvent le cas avec ces intuitions, à la fois vague et nette, d'avoir
trébuché sur un vieux ragot, sujet à controverses.
    Meg m'a regardé et a dit, Vous connaissez cette comédie
américaine où le type dit : « J'ai rien fu » ?
    Bien sûr que je la connaissais : Hogan's Heroes, le
feuilleton des années 1960 sur le camp de prisonniers nazi, dont l'un des
personnages était le caporal Schulz, obèse, invariablement victime des
adorables bouffonneries des prisonniers de guerre américains, qui insistait
auprès de son Kommandant pour dire qu'il était innocent, qu'il n'avait
rien vu. J'ai rien fu ! s'écriait-il, et cette réplique déclenchait
immanquablement les rires.
    Hé bien, a poursuivi Meg, quand j'ai hoché la tête pour dire
que je connaissais le feuilleton, j'ai rien fu !
    Mais il ne s'agissait pas de télévision. Il ne s'agissait
pas d'une comédie. L'histoire qu'elle voulait me cacher était la raison même
pour laquelle j'avais fait quinze mille kilomètres afin de pouvoir lui parler.
    Frydka aimait donc ce garçon et il n'était pas juif, ai-je
insisté.
    Je ne sais pas, je n'étais pas là, a répondu Meg.
    C 'aurait été
une sacrée affaire, non ? ai-je dit.
    Bob, ravi

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