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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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arriver.
    Elle a ajouté que des unités fascistes hongroises étaient
arrivées trois semaines plus tard et avaient séjourné pendant deux mois.
    Non, a coupé Jack. Quelques semaines seulement, et puis ce
sont les Slovaques qui sont arrivés.
    Bob a dit qu'il ne se souvenait pas avoir vu d'Allemands
avant le mois de septembre. Jack a répliqué que les Allemands étaient
« officiellement » arrivés le 1 er juillet, mais qu'ils
avaient été précédés par les unités hongroises, qui étaient restées
« quelques semaines ».
    Les dates n'avaient qu'une importance relative pour moi.
Qu'est-ce qui s'est passé au tout début ? ai-je demandé. J'essayais de dessiner
une image mentale du début des horreurs, afin de pouvoir situer Shmiel quelque
part. Qu'avaient-ils vu, comment cela s'était-il passé ?
    La première chose qui s'est passée, a dit Jack, c'est que
les Ukrainiens sont venus et ont commencé à tuer des Juifs. Quiconque avait un
compte à régler, vous savez...
    Bob l'a interrompu. Vous savez, si vous aviez un problème
avec les Juifs, vous pouviez les tuer. Je vous donne un exemple. Après la
retraite des Soviétiques, pendant l'été 41, pas mal de garçons juifs qui
avaient été enrôlés par les Russes rentraient chez eux à Bolechow – ils
avaient été dans l'armée russe et ils rentraient chez eux. Des Ukrainiens
étaient sur le pont et regardaient chaque soldat qui rentrait, et quand ils
pensaient qu'il s'agissait d'un Juif, ils le jetaient dans la rivière. Et il y
avait surtout des gros rochers dans cette rivière, alors vous pouvez imaginer
ce qui se passait.
    J'ai hoché la tête, même si j'étais incapable d'imaginer
vraiment, n'ayant jamais été témoin de quelque chose de comparable à ce qu'il
décrivait.
    La référence à la rivière, la rivière au bord de laquelle
Frydka, au moins, s'était amusée – car Meg avait à présent sorti toutes
les photos de l'album de Pepci Diamant, les photos des filles à ski, des filles
alignées devant la maison de l'une d'elles, des filles en maillot de bain,
regardant l'appareil cachées assez comiquement derrière des buissons au bord de
l'eau, des filles regardant l'appareil pendant qu'elles mangeaient un sandwich,
les cheveux relevés sous un mouchoir – cette référence m'a remis en
mémoire un souvenir depuis longtemps oublié. Une fois auparavant, j'avais
entendu dire que la rivière Sukiel, qui traversait Bolechow et dans laquelle
mon grand-père, enfant, péchait la truite de montagne, avait été la scène d'un
épisode de terreur. Quand j'étais un petit garçon, mon grand-père me racontait
une histoire qui avait eu lieu pendant la Première Guerre mondiale à Bolechow.
Comme la ville se trouvait sur laligne de front entre les armées
autrichienne et russe, commençait-il, elle était constamment bombardée, et au
début de ces bombardements, ses frères, ses sœurs et lui – tous, sauf
Shmiel qui était déjà sur le front, combattant pour l'empereur – couraient
dans les bois à la périphérie de la ville pour se mettre à l'abri. Comme les
bombardements avaient parfois lieu de nuit, chose terrifiante, sa mère les
obligeait à attacher leurs chaussures autour de leur cou avec les lacets avant
d'aller se coucher, afin qu'ils pussent les trouver sans tarder s'ils devaient
courir se mettre à l'abri. Une nuit, le bombardement avait commencé, mais comme
mon grand-père n'avait pas écouté sa mère – et c'était bien évidemment la
morale de l'histoire, il fallait toujours écouter sa mère – et n'avait pas
attaché ses chaussures autour de son cou, il n'avait pas pu les trouver quand
les obus s'étaient mis à exploser, et alors que Ruchel, Susha, Itzhak, Yidl,
Neche, sa mère et lui couraient sur la route pour aller se mettre à couvert
dans les bois, ils avaient dû traverser un bras de cette rivière, la Sukiel ;
et comme les obus étaient tombés dans l'eau, celle-ci était bouillante et il
s'était brûlé les pieds.
    Un de ces bombardements avait duré près d'une semaine,
ajoutait-il parfois, et pour en donner une illustration, il racontait une autre
histoire. Un jour, alors qu'ils étaient restés coincés dans laforêt
pendant plusieurs jours à cause d'un de ces bombardements, terrifiés à l'idée
de retourner dans la ville, sa famille et lui, ainsi qu'un groupe d'habitants
de Bolechow, avaient été contraints de tuer une biche et de manger sa viande.
En me disant cela, il m'avait adressé un

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