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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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d'avoir une opportunité de la taquiner, s'est
penché pour dire, C 'aurait été
une très grosse affaire.
    Cela a provoqué un sourire revêche de Meg.
    C'est un euphémisme. L'euphémisme de l'année, a-t-elle
murmuré.
    Mais elle a persisté dans son refus de confirmer que Frydka
Jäger avait aimé un garçon catholique, des décennies plus tôt, quand une idylle
pareille aurait été une très grosse affaire. Mais aujourd'hui, quelle
importance ? La femme de mon frère Andrew n'est pas juive ; la femme de Matt
est grecque orthodoxe. Je me suis demandé, l'espace d'une seconde, ce qu'il
pouvait penser de cette révélation.
    Meg continuait à faire de l'obstruction. Je ne sais pas, je
n'ai été témoin de rien.
    Je ne vous ai pas demandé d'être témoin, ai-je dit sur le
ton de la plaisanterie. Mais elle était votre meilleure amie, elle a dû se
confier à vous ?
    Meg a soupiré.
    Non, non, cela se passait pendant la guerre. Pas avant.
Grands dieux, non !
    J'ai pris une note mentale sur le fait qu'elle avait dit Grands
dieux, au pluriel.
    Rien de ce genre n'aurait pu se produire avant la guerre,
a-t-elle expliqué.
    C'était, naturellement, comme si elle venait de tout
admettre. A partir de là, Frydka, qui avait eu jusqu'à présent un visage
d'enfant sur une photo ou deux, a commencé à prendre une forme sensible, à
avoir sa propre histoire. Elle avait aimé un garçon polonais, me suis-je dit en
souriant, et il l'avait aimée aussi.
    Et en pensant que c'était toute l'histoire que j'entendais
pour la première fois, même si elle m'était révélée de cette façon, je me
préparais mentalement à toutes les occasions que j'aurais de la raconter, à ma
mère, à ses cousins, à mes frères et à ma sœur, lors de mon retour. Je me suis
calé sur ma chaise et j'ai décidé de changer de sujet pour le moment, avant de
me mettre à dos Mme Grossbard qui avait l'air d'être vraiment mécontente. C'est
à cet instant précis que Jack s'est penché sur la table et a levé la voix pour
dire, Laissez-moi vous dire quelque chose. Ce garçon, il a perdu la vie à cause
de Frydka.
    Attendez un peu, ai-je dit. Pardon ?
    Jack a baissé la voix. Tout le monde autour de la table
s'était tu et tourné vers lui. Il me regardait. Marquant un silence après
chaque mot pour le souligner, il a répété ceci :
    Le. Garçon. A perdu. La vie. A cause. D'elle.
    Il y a eu un long silence.
    Qu'est-ce que vous voulez dire ? ai-je demandé.
    Hé bien, vous voyez, a-t-il commencé, ces trois filles
étaient avec Babij, le groupe de partisans, parce qu'elles étaient les amies de
trois garçons polonais. Trois filles de Bolechow. Frydka, l'autre s'appelait
Dunka Schwartz, et la troisième, c'était... la sœur d'un des deux garçons qui
ont survécu avec les Babij, Ratenbach.
    Je ne savais absolument pas qui pouvaient bien être ces
gens, mais je ne l'ai pas interrompu. Je voulais qu'il continue.
    Ces trois garçons étaient devenus les amis de ces filles,
ils les ont aidées à rejoindre les Babij dans la forêt. C'était une forêt près
de Dolina, il y avait près de quatre cents Juifs qui appartenaient auxgroupes
de partisans.
    J'ai hoché la tête. Il avait commencé à me raconter cette
histoire au téléphone, il y a un an.
    Ensuite, bien sûr, nous sommes allés dans la forêt
nous-mêmes, Bob, mon père et moi. Et donc nous avons perdu leur trace. Lorsque
nous sommes revenus, on nous a dit que ces trois garçons avaient été...
    Il a brusquement fait un geste de la main droite vers le
bord de la table, comme pour démarquer une zone géographique. ... emmenés
dans un champ, à Bolechow, et fusillés. Parce qu'ils avaient aidé les filles,
ai-je dit. Parce qu'ils avaient aidé les filles, a-t-il répété. Et je me suis
dit, Voilà une histoire.
     

     
    Il se trouve que
je n'ai appris le reste de l'histoire de Frydka et de Ciszko Szymanski qu'après
avoir voyagé encore : en Israël, à Stockholm, à Copenhague. Cet après-midi-là,
à Sydney, nous ne sommes pas revenus sur le sujet, parce qu'il était évident
que Mme Grossbard n'allait plus du tout parler si nous continuions dans cette
voie. J'ai préféré lui demander de préciser la chronologie de l'occupation
nazie.
    Les Allemands sont arrivés quel jour ? ai-je dit.
    Les gens autour de la table émettaient des bruits un peu
indécis quand Meg a dit, plus pour elle-même que pour aucun de nous, Le 1 er juillet 41. J'ai vu les premières patrouilles, je les ai vus

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