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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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un grand pot de fleurs et
une pancarte qui disait bade und
inhalationsräume, Bains et chambres d'inhalation. En entrant dans ce
nouveau bâtiment solide, il devait découvrir devant lui un corridor sombre,
d'un mètre et demi de large, de chaque côté duquel se trouvaient les portes
donnant accès aux Bains et chambres d'inhalation.
    Il est possible qu'il ait encore cru, même à cet instant-là,
que c'étaient vraiment des Bains et des chambres d'inhalation. Il est entré
dans l'une d'elles. Les chambres avaient, comme devait s'en souvenir un
Allemand qui avait travaillé dans ce camp, « une apparence lumineuse et
accueillante », et elles étaient peintes soit en jaune soit en gris,
quelque chose de très institutionnel et de peumenaçant. Les plafonds
étaient bas – deux mètres, ce qui, pour un homme de la taille de Shmiel, a
dû provoquer une légère impression de claustrophobie – mais peut-être
qu'il ne l'a pas remarqué, même à cet instant-là, qu'il a pensé, même à cet
instant-là, prendre une douche désinfectante. Il y avait, après tout, des
pommeaux de douche au plafond. S'il a vu la porte amovible au fond de la
Chambre d'inhalation, qui était en face de la porte qu'il venait de franchir,
et en fait celle par laquelle, dix minutes plus tard, son corps serait évacué,
il n'en a probablement rien pensé.
    Après cela, néanmoins, une fois qu'Oncle Shmiel est coincé
sous le plafond bas, peint en jaune, de la salle de douche lumineuse et
accueillante, après que le bâtiment se remplit de mille neuf cent quatre-vingt
dix-neuf autres Juifs, il va devenir plus difficile pour lui de penser qu'il
s'agit d'une désinfection, et à ce moment-là le gaz est ouvert, et je n'essaierai
pas d'imaginer ce que c'est, parce qu'il est seul là-dedans, et ni moi ni
personne (à l'exception des mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf autres qui
sont entrés avec lui) ne peut aller là avec lui... Ou, je devrais dire, avec
eux, puisque dans peu de temps Ester et la petite Bronia vont gravir les mêmes
marches, entrer dans une de ces chambres, faire le même parcours (à la
différence de Shmiel, elles ont dû faire un arrêt dans le baraquement où les Friseurs, les coiffeurs, ont rasé leurs cheveux noirs).
    Nous ne pouvons donc pas aller là-dedans avec eux. Tout ce
que je pense pouvoir dire, avec un certain degré de certitude, c'est que dans
une de ces chambres, à un moment donné d'une journée donnée de septembre 1942,
même si le moment et la journée ne seront jamais connus, les vies de mon oncle
Shmiel et de sa famille, de Samuel Jäger, le frère de mon grand-père,
l'héritier qui avait rétabli l'affaire que les prudentes alliances
matrimoniales de générations de Jäger et de Kornblüh avaient contribué à développer,
l'homme qui avait écrit un certain nombre de lettres entre janvier et décembre
1939, une femme qui était très chaleureuse, très sympathique, le père de
quarante-sept ans de quatre filles, un type toujours chic et assez convaincu de
son importance, une jeune fille qui était encore une enfant, dont un homme de
soixante-dix-huit ans vivant à Sydney en Australie, se souviendrait de lui
avoir dit autrefois, par-dessus une barrière, Hallo, Bronia !, un
homme, une femme, une enfant qui avaient été contraints de vivre, à ce point de
leur existence, en sachant que leur troisième fille et sa sœur aînée, une jeune
fille de seize ans à qui son père avait donné, pour perpétuer sa mémoire, le
prénom de sa sœur chérie qui était morte, serait-il psalmodié un jour, une
semaine avant son mariage, avait été abattue au bord d'une fosse commune ;
un oncle, une tante et une cousine qui, à ce moment-là, au moment où lui et
elles plus tard avaient entendu peut-être l'étrange sifflement commencer, ont
une nièce et une cousine qu'ils n'ont jamais rencontrée, mais qu'il a
mentionnée poliment dans plusieurs de ces lettres (Je te salue, ainsi que
Gerty et la chère enfant, baisers de moi et de ma femme chérie et de mes
enfants à toi et à tous les frères et sœurs aussi), une nièce qui vit dans
le Bronx, dans l'Etat de New York, une jolie blonde de onze ans qui porte un
appareil dentaire et vient d'entrer, la première semaine de septembre 1942, en
sixième (tout comme son futur mari, alors âgé de treize ans, dont une grande
partie de la famille serait perdue pour le récit, entrait en quatrième, où il
allait jouer avec un garçon que tout le monde appelait

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