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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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cette image
poignante : « Dans ce vaisseau », écrit-il,« les êtres
humains et les animaux sont absolument sans défense, jetés sur les eaux sans
aucun contrôle sur leur sort. Pour apprécier l'image que ce récit nous met sous
les yeux, nous devons imaginer cette boîte de vie sans défense ballottée dans
un univers violent qui est en train de craquer. » Cette image d'une
impuissance enfantine est, d'une certaine façon, appropriée, puisque le seul
autre objet dans la Torah qui soitdésigné par le mot tebah est en fait le panier d'osier dans lequel
est caché Moïse afin de le faire échapper à un autre exemple de tentative
d'annihilation totale dans la Torah : le décret du pharaon d'Egypte defaire
mourir chaque nouveau-né d'Israël. Comme l'arche de Noé, lepanier de
Moïse est un humble objet, fait par la main de l'homme , totalement
fermé, scellé au brai, et sans aucun doute absolument et horriblement sombre à
l'intérieur — une boîte dont l'occupant passif doit, tout simplement, tenter sa
chance.
    L'image d'une telle boîte comme un abri dans un monde qui
est sur le point de rompre vient assez naturellement à l'esprit quand on
considère les histoires comme celle que m'ont racontée Jack Greene et son frère
Bob en Australie — des histoires dans lesquelles le salut n'était possible, en
ces temps de terreur, que pour ceux qui avaient construit des cachettes en
forme de boîtes sombres : par exemple, l'espace minuscule derrière la fausse
cloison que Moses Grunschlag avait fait construire dans une étable pour lui et
ses deux fils, la cachette souterraine dans la forêt où, finalement, les trois
et quelques autres ont pu aller se cacher pendant un an, jusqu'à ce que le
pharaon des Temps modernes soit vaincu. Dans ces arches des Temps modernes
aussi, lesêtres humains étaient absolument impuissants, sans le moindre
contrôle sur leur sort, occupants passifs d'espaces sombres dont ils finiraient
par émerger comme Noé, comme Moïse, clignant des yeux dans la lumière.
    Et pourtant, sans doute en raison de l'insistance subtile
avec laquelle parashat Noach connecte telle chose à son opposé, la création à
la destruction, la destruction à la renaissance, les figurines d'argile au
chaos boueux, les eaux sulfureuses au cèdre puant, les boîtes dans lesquelles
les quarante-huit Juifs de Bolechow ont en définitive été sauvés (pour ne rien
dire de tous les autres contenants dont les occupants n’ont pas eu autant de
chance, chiffre impossible à connaître puisqu'il n'y a personne pour raconter
ces histoires) font inévitablement penser à certaines autres structures en
forme de boîtes qui, dans le récit des Temps modernes du décret selon lequel le
peuple d'Israël doit mourir, étaient non des instruments du salut mais de
l'annihilation. Oui, il y avait des endroits cachés, des compartiments sombres
et scellés dans lesquels les occupants ne pouvaient qu'écouter et espérer ;
mais il y avait aussi les fourgons à bestiaux, avec leur cargaison d'êtres
humains ballottés par la tempête ; il y avait aussi les chambres à gaz.
C'étaient aussi des boîtes. C'étaient aussi des arches.
     
     
    Ce fut donc la
seconde Aktion, début septembre 1942, au cours de laquelle – comme
chacun le pensait autour de la table chez Jack et Sarah – Shmiel, Ester et
Bronia avaient péri. Sur cette famille de six, dont il ne reste qu'une
photographie où ils apparaissent tous ensemble, datée d'août 1934, où Shmiel,
de façon choquante, est débraillé et mal rasé, anomalie qui s'explique du fait
qu'il est (comme le dit la légende au dos de la photo) en deuil de sa mère, mon
arrière-grand-mère Taube, décédée le mois précédent : sept visages qui ne
sourient pas que je reconnais aujourd'hui comme étant ceux de Shmiel, Ester, le
frère d'Ester, Bruno, Bronia, Ruchele, Lorka et Frydka aux yeux sombres, dont
le visage est partiellement coupé par la bordure de la photo – sur cette
famille de six, pour laquelle il n'y a jamais eu de période de deuil formel
comparable à celui qu'ils observent au moment où cette photo a été prise, il
n'en testait que deux en octobre 1942.
    Elles s'étaient retrouvées à la Fassfabrik, avait dit
Jack, l'usine de barils, Lorka et Frydka, ainsi que les Adler. Et nous étions
associés à cette firme, nous aussi, avait-il dit – lui et les survivants
de sa famille : son père et Bob.
    C 'est après la
seconde Aktion, a expliqué Jack, que les gens

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