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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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noires
le fameux J'ACCUSE! Mais, pour l'essentiel, les images qui viennent à
l'esprit sont celles de l'appartement d'Alena – et, bien entendu, les
images que le stupéfiant récit de son père ont fait apparaître, des images qui
semblent tirer d'un conte de fées ou d'un mythe. Alors que nous étions assis
dans l'élégant appartement de la fille d'Adam pour écouter les paroles de son
père, beau, digne et parfaitement lucide, tout d'abord au cours d'un dîner qui
s'est prolongé tard dans la soirée, puis lors d'un déjeuner qui s'est
transformé en un second dîner au cours d'une journée entière passée avec eux, il
est devenu difficile à certains moments de nous souvenir que nous étions venus
entendre ce qu'il avait à dire des Jäger, tant l'histoire qu'il avait à
raconter était remarquable, improbable, homérique.
    Ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas obtenu ce que
nous étions venus chercher.
    Nous sommes venus interviewer Adam le vendredi après-midi,
quelques heures après avoir atterri. Alena Marchwinski a ouvert la porte.
Séduisante, intense, cette femme d'une petite cinquantaine d'années avait des
cheveux noirs, sévèrement plaqués en arrière, et portait avec une élégance
décontractée un pull noir échancré et un pantalon noir. Elle nous a présenté sa
famille qui avait envahi l'entrée de l'appartement pour faire notre
connaissance : son mari, Wiadyslaw, qu'on appelle Wladek et qui est violoniste
; leur fille, Alma, âgée de douze ans environ, avec un visage rêveur et un
sourire tendre ; et ses parents. J'ai regardé Adam Kulberg, cet homme qui
pouvait bien être un parent à moi. Il avait le visage d'un roi maya : rectangulaire,
un nez taillé à coups de serpe, le genre de visage qui appelle la sculpture.
Ses yeux, toutefois, étaient doux quand il m'a rendu mon regard en souriant. Il
avait tous ses cheveux, d'un blanc de neige et bien coiffés en arrière, comme
ceux de sa fille, pour dégager ses traits puissants. Pour l'occasion, il avait
revêtu un costume gris sombre sur un pull gris plus clair, avec de fines
rayures blanches ; cette tenue formelle, avec les cheveux plaqués en arrière,
le fait que les pointes de son col de chemise reposaient sur la veste,
donnaient curieusement à cet homme de quatre-vingt-trois ans l'air d'être à la
mode.
    Nous avions l'intention de faire l'interview et de dîner
ensuite. Dans sa grande salle de séjour, Alena avait installé devant le divan
où je me suis assis une petite table basse en verre et acier. Elle y avait
disposé un assortiment de boissons : Evian, eau gazeuse, petites bouteilles de
jus de fruit. Le mur entier sur ma gauche était couvert de livres soigneusement
rangés, le genre de livre qu'on trouve chez les universitaires : épais volumes
d'ouvrages de référence. À la diagonale de ce mur, une série de grandes
fenêtres. Sur le rebord de la fenêtre la plus proche de nous, un vase tout
simple contenait une profusion de fleurs. Sous une autre de ces fenêtres,
légèrement à droite de notre groupe, la femme d'Adam, Zofia, une très jolie
femme aux cheveux blancs coupés courts qui laissaient voir de grandes boucles
d'oreilles, était assise sur un petit canapé capitonné en cuir, de style edwardien.
Elle portait un tailleur sombre avec un chemisier en satin blanc à jabot qui
lui couvrait la gorge. Ce soir-là et le lendemain, elle a souri souvent et
amoureusement pendant qu'Adam parlait. Elle avait un grand sourire de
béatitude, dont sa petite-fille avait de toute évidence hérité, et elle en
faisait bon usage.
    Alena et son père se sont assis l'un à côté de l'autre, en
face de moi, pendant que je vérifiais mon matériel d'enregistrement, elle
confortablement installée dans un fauteuil en osier sombre, lui assis bien
droit sur une des chaises de salle à manger qu'on lui avait apportée. Derrière
eux, par la grande fenêtre, nous parvenait la lumière abondante de l'après-midi
déclinant. A ma droite était assis le mari d'Alena, un homme de grande taille,
beau et réservé, qui avait une allure nordique en dépit du fait qu'il était né,
comme sa femme et ses beaux-parents, en Pologne ; comme ses beaux-parents,
comme les Freilich, comme Ewa, comme de nombreux Juifs qui étaient restés en
Pologne après la guerre, il était parti pour la Scandinavie à la fin des années
1960. Wladek a écouté en silence sa femme et son beau-père parler,
n'intervenant pour traduire pour Adam qu'au moment où

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