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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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nous
avons marché vers l'autre côté. Bien sûr, il y avait une entrée de ce côté-là
aussi. Alex a frappé et appelé en russe, et très vite une femme aux joues
roses, au visage enfantin et aux cheveux frisés d'un brun improbable, a surgi
de la maison. Elle portait une robe d'un bleu éclatant avec de gros pois
blancs. Alex lui a parlé et elle a insisté, de sa voix haut perchée,
chaleureuse et même enthousiaste, pour que nous entrions. Comme dans un conte
pour enfants, sa moitié de la maison était aussi jolie et immaculée que l'autre
moitié était sale et décrépite. L'arôme puissant de pêches en train de cuire
remplissait la cuisine. Nous nous sommes tous assis, pendant qu'elle baissait
le volume d'un petit magnétophone à cassette qu'elle écoutait à un volume
étonnamment élevé, de la musique liturgique russe, et Alex lui a expliqué
pourquoi nous l'avions appelée depuis la rue. Le son riche et chuintant du russe
a envahi la pièce. La femme était si vive, hochait la tête si vigoureusement et
parlait si allègrement qu'il était difficile de ne pas vouloir l'embrasser.
Elle faisait penser à une grand-mère ou à une bonne sorcière dans un conte
folklorique.
    Au bout de quelques minutes de cet échange, Alex a levé les
yeux vers moi. Il ne souriait pas.
    Elle dit que oui, elle a entendu parler de cette histoire
des Juifs cachés et des institutrices. Elle est arrivée dans les années 1950,
mais elle en a entendu parler. Elle dit qu'elle est à peu près certaine que ces
institutrices étaient encore toutes les deux vivantes après la guerre, et aussi
que ce n'était pas dans cette maison qu'elles habitaient, que c'était une autre
maison dans cette rue.
    Nous avons échangé un regard sans expression, avec une sorte
de désespoir. J'ai dit, Ce n'est pas possible, je ne peux pas le croire.
    J'étais descendu dans cet endroit, cet endroit glacé.
L'impression était juste.
    Nous avons continué à parler, mais il est devenu clair pour
moi, au bout d'un moment, en lisant le visage large et pâle d'Alex, qu'il
n'obtenait rien de plus que ce qu'elle avait déjà dit. Mais ça suffisait comme
ça. Tout était en ruine. Nous étions de nouveau sur la case de départ.
    Nous nous sommes levés pour partir. Alex a dit, Elle m'a dit
quelle maison elle pensait que c'était. Un très vieil homme y vit. Elle dit
qu'il est sourd. Vous voulez y aller ?
    Je comprenais ce qu'il voulait dire. Il voulait dire, Nous
ferions peut-être mieux d'arrêter avant d'avoir tout perdu.
    J'ai hoché la tête, l'air sombre, et j'ai dit, Allons parler
à ce vieil homme.
    Nous avons descendu la rue tous les quatre, en traînant les
pieds. A un moment donné, Alex s'est tourné vers moi pour dire, Je n'ai pas
envie d'entendre cette nouvelle histoire, j'aurais préféré que tout ait été
fini vendredi ! J'ai fait un sourire morose et j'ai dit, C'est
l'impression que j'ai toujours eue.
    Oui, a-t-il répliqué. Maintenant je comprends !
    La maison vers laquelle la vieille femme nous avait dirigés
ressemblait à quelque chose tiré des contes des frères Grimm : une maison en
bois délabrée, autrefois magnifique, avec des pignons vertigineux, des larmiers
et une charpente noircis par le temps, un peu décalée par rapport à la rue. Ici
aussi la musique liturgique russe retentissait ; même si les fenêtres de la
façade étaient fermées, on pouvait l'entendre en provenance de l'arrière de la
maison. Une pluie légère a commencé à tomber et nous avons avancé d'un pas
lourd dans le fond du jardin. La porte était ouverte. Alex a crié. Pas de
réponse. Il a crié de nouveau et nous sommes tous entrés à l'intérieur. Les
plafonds étaient sombres comme des cavernes et il y avait des icônes suspendues
un peu partout. Nous avons suivi le son de la musique jusqu'à ce que nous
arrivions à ce qui, de toute évidence, avait été autrefois la grande pièce de
la maison, une énorme chambre, jadis élégante, dans laquelle trônait à présent
une table à jeu où était posé un phonographe antique, au milieu de quelques
autres meubles. A côté de la table se tenait le vieil homme : une silhouette,
parfaitement adaptée au lieu, tirée d'une gravure sur bois du xix e siècle, un homme
maigre, incroyablement grand, dont les cheveux blanc-jaune tombaient de chaque
côté du visage. Ses yeux profondément enfoncés étaient cernés de noir. Il
ressemble à Franz Liszt, ai-je pensé.
    Alex s'est approché de l'homme

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