Les disparus
commentaire au sacrifice — ce
qui est frappant en soi, puisque auparavant l'histoire de Sodome et de Gomorrhe
se déroule sans qu'il fasse le moindre commentaire — et présente un résumé
d'une lucidité admirable des réponses classiques faites aux questions soulevées
par le sacrifice. Avec justesse, me semble-t-il (d'un point de vue purement
littéraire, structurel), le rabbin moderne se concentre sur le contraste
délibéré entre, d'un côté, la défense enflammée des Sodomites faite par
Abraham, sa tentative de marchander les vies dans les villes condamnées, et, de
l'autre, son silence absolu face à l'exigence de Dieu, encore plus répugnante
d'une certaine façon, que le patriarche tue son propre enfant. Une explication
possible de ce contraste frappant, dit Friedman, consiste à souligner que la
personnalité d'Abraham, tout au long de la Genèse, est caractérisée par
l'obéissance – l'explication par le caractère, qui est satisfaisante
jusqu'à un certain point, même si elle ne creuse pas très profondément la
question troublante de savoir si la prédisposition d'Abraham pour obéir aux
ordres sans discuter, vaut d'être explorée plus avant, dans les cas où ces
ordres sont clairement immoraux (« Des commandements, écrit Friedman, ne
laissent aucune place pour la discussion », chose assez singulière, selon
moi, à affirmer sans autre commentaire de la part d'un rabbin à la fin du XX e siècle,
même dans le contexte d'une explication du texte biblique). Friedman va même
jusqu'à fournir ce qu'on pourrait appeler un argument rhétorique : le
patriarche, écrit-il, est capable d'argumenter de manière plus persuasive (en
effet) en faveur des Sodomites corrompus, précisément parce qu'il n'a aucun
rapport avec eux : il ne peut pas argumenter en ce qui concerne la justice ou
l'injustice de l'exigence du sacrifice de son fils précisément parce qu’il en
est trop proche. Cela semble aussi quelque peu insatisfaisant au premier abord,
comme si le fait d'être « concerné » était la même chose que d'être
idiot. Enfin, Friedman suggère de façon intrigante que l'issue du premier de
ces deux récits moraux de la parashah, celui de Sodome et de Gomorrhe, donne la
clé du silence d'Abraham. La futilité de la discussion d'Abraham avec Dieu,
suggère-t-il, le fait que rien ne sort de ce marchandage acharné, le fait que
Dieu a toujours déjà su à quel point les Sodomites sont mauvais et Abraham bon,
ce sont là les raisons pour lesquelles Abraham sait qu'il ne doit pas discuter
lorsque Dieu exige une destruction qui est infiniment plus douloureuse pour
Abraham que l'annihilation des populations de plusieurs villes.
Rachi, lui non plus, ne s'épargne aucun effort pour
suggérer que l'intérêt de Dieu pour qu'Abraham montre (bien sûr, nous savons
qu'il va le faire) qu'il « craint Dieu » a des implications à la fois
internationales et cosmiques : il est nécessaire que la droite obéissance
d'Abraham soit démontrée, écrit-il, afin que Dieu ait quelque chose à répondre
à Satan et aux nations d'incroyants lorsqu'ils demandent à savoir quelle peut
être la raison de l'amour de Dieu pour la tribu d'Abraham. « Parce qu'elle
est remplie de la crainte de Dieu » est la réponse fournie par
l'acceptation d'Abraham de trancher la gorge de son jeune fils.
Une des questions morales intéressantes, soulevées par le
sacrifice d'Isaac – et, par conséquent, par la parashah tout entière –, c'est que la présentation de ce
que signifie être une personne bonne (Abraham qui obéit à Dieu même dans des
circonstances extrêmes et troublantes) est aussi plate et insatisfaisante,
aussi évasive que la présentation de ce que signifie être une personne mauvaise
(un Sodomite, quoi que cela puisse signifier exactement). En fait, tout ce
qu'indique le texte de cette parashah, c'est que la bonté consiste en
l'obéissance à Dieu et la méchanceté, en la désobéissance, comme si la moralité
était une structure de comportement superficiellement cohérente et sans contenu
réel – même si, pour prendre les exemples de cette lecture hebdomadaire de
la Torah, ce que font les Sodomites, qui est peut-être dépravé, mais n'aboutit
pas à l'empilement de cadavres, est beaucoup moins horrible que ce que Dieu
exige d'Abraham.
D'un autre coté, ce qui me semble valide dans cette
dernière parashah, c'est le fait que, indépendamment de la validité de
l'investigation morale au sens
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