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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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savais qu'elle avait été institutrice, et
– la force des clichés et des habitudes mentales étant supérieure à ce que
nous voulons bien admettre, raison pour laquelle, en opérant sur des
suppositions inconscientes à propos des gens, nous commettons de graves erreurs
dans l'interprétation des événements historiques, sauf si nous restons sur nos
gardes – j'avais, depuis le jour où, dans sa salle de séjour, Anna Heller
Stern avait dit zey zent behalten hay a
lererin, imaginé une femme entre deux âges qui vivait seule, peut-être une
femme assez grande et mince, avec des cheveux gris en chignon. Maintenant que
je m'étais rendu dans la maison de cette femme, j'étais très curieux de savoir
qui avait été la personne qui y avait vécu autrefois, la personne qui,
indépendamment de tout ce que nous pouvions savoir d'elle, avait obéi, en toute
lucidité, à une morale rigoureuse, sachant qu'elle pourrait lui coûter la vie,
ce qui avait été le cas. Ils les ont tous tués là, dans le jardin, avait
dit Prokopiv. Elle était polonaise. Je me demandais si elle avait été une
catholique dévote, comme l'avaient été de nombreux sauveurs. Une vieille fille
qui partageait son temps entre l'école et l'église.
    C'est pour cette raison que ce qu'Alex avait à m'apprendre
sur le sauveur supposé de Shmiel et de Frydka était si intéressant.
    Tout d'abord, a-t-il écrit, Prokopiv s'était souvenu d'un
détail supplémentaire concernant le jour où la cachette chez Szedlak avait été
découverte : il rentrait à pied de l'école, ce jour-là, et en passant devant la
maison de l'institutrice, il avait vu les corps étendus dans la rue, dans
l'attente d'être transportés jusqu'à la fosse commune du cimetière juif, là où
étaient emportés les corps des gens qui avaient été trouvés dans leur cachette
et tués.
    J'ai lu et je me suis dit, Au moins, ils sont dans le
cimetière juif, quelque part.
    J'ai repris ma lecture. J'avais dit à Alex de demander à
Prokopiv s'il se souvenait d'avoir entendu parler d'une Juive enceinte qui
avait été arrêtée et tuée, ce jour-là. Et Alex m'écrivait ceci :
    Prokopiv ne savait pas qu'une des personnes qui se
cachaient était enceinte. Toutefois, il dit que l'institutrice qui cachait les
Juifs avait eu un enfant illégitime avec le directeur de l'école, Paryliak (ou
Parylak).
    Cependant, Prokopiv ne sait pas ce qui est arrivé a
l'enfant (une fille) lorsque la mère a été tuée.
    Je m'étais donc trompé une fois de plus. Je ne savais pas
qui elle avait été, mais elle n'était pas, semblait-il, la femme pieuse, à
chignon et entre deux âges, que j'avais imaginée. En lisant l'e-mail d'Alex,
j'ai pensé à l'histoire de Stepan concernant la famille Medvid, à la famille
entière pendue sur le Rynek, à tous les Medvid du comté tués eux aussi.
Ces exécutions publiques avaient eu lieu pour une raison précise, nous le
savons : décourager les gens, les gens comme les Szymanski, les Szedlak et tous
les autres, de faire ce qu'ils avaient fait, pour les mystérieuses raisons qui
étaient les leurs : l'amour, la bonté, la conviction religieuse. Peu importe
qui elle était, peu importe ce qui était vrai d'elle – et je ne sais pas
du tout si je découvrirai un jour d'autres choses à son sujet, quand bien même
j'ai commencé à chercher –, peu importe qui elle était, cette Szedlakowa,
en tout cas, n'était pas une célibataire mettant en péril sa seule vie pour le
salut de deux Juifs.
    Peut-être plus que n’importe quelle autre parashah dans
la Genèse, parashat Vayeira se préoccupe des implications des
choix moraux : dans l'histoire de Sodome et de Gomorrhe, nous sommes censés
apprécier les conséquences de la décision de suivre la voie du mal, et dans le
récit qui achève cette parashah riche en événements – l'histoire de Dieu
exigeant d'Abraham qu’il sacrifie son unique enfant légitime –, nous
sommes censés apprécier, je crois, les conséquences de l'autre choix, le choix
de suivre la voie du bien.
    L'exigence d'un sacrifice humain par Dieu qui, comme nous
l'apprenons au tout début de ce remarquable passage, n'est, du moins pour Dieu,
qu'un test de la dévotion d'Abraham, est tellement contraire à un esprit
civilisé que les commentateurs ont déversé des océans d'encre pour l'expliquer,
l'analyser, l'interpréter et la justifier au cours des millénaires. Friedman,
par exemple, consacre trois pages entières de son

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