Les émeraudes Du Prophète
habitation primitive : une couche formée d’un matelas de paille et de couvertures, quelques objets de toilette, une jarre contenant de l’eau, une plus petite contenant de l’huile et quelques provisions : dattes, figues, olives, fromages secs.
Adalbert ôta de son cou la trousse de premiers secours et de pharmacie qu’il avait eue la présence d’esprit d’y accrocher avant de descendre et tenta de déplier doucement la malheureuse pour voir l’étendue des blessures mais Kypros ne le laissa pas faire.
— Non… j’ai trop mal ! Achevez-moi !
— Qui a fait ça ? demanda Aldo agenouillé de l’autre côté et qui, doucement, nettoyait avec un peu d’eau le visage souillé de sang et de terre.
— Deux… des fils de Khaled…
— Mais pourquoi ?
— Là… derrière.
La main sanglante essayait de montrer, près d’une paroi, un coffre de cèdre dont les ferrures n’avait pas empêché le pourrissement et qui, éventré lui aussi, avait été jeté dans un coin. Le faisceau d’une des lampes y fit briller quelque chose et Morosini en retira une pierre de lune dessertie qui avait échappé aux pillards…
— Vous auriez trouvé le trésor d’Hérode ?
— Une… partie. Il doit y en… avoir d’autres… Oh pitié ! Tuez-moi ! j’ai trop mal…
— Je vais vous soulager un peu, dit Adalbert qui était en train de préparer une seringue hypodermique. Cela permettra de vous soigner.
— Tu as de la morphine ? s’étonna Morosini.
— Toujours ! Dans une campagne de fouilles on ne sait jamais qui peut se casser quoi. C’est souvent utile pour opérer sans trop de douleur.
La terrible souffrance céda en effet suffisamment pour que l’on puisse étendre la blessée mais sans oser la déplacer. La mort d’ailleurs approchait. Elle s’annonçait dans la pâleur extrême, le pincement des narines, les yeux qui s’éteignaient. On ne pouvait rien souhaiter de mieux. La blessure était affreuse et une odeur pénible montait des entrailles tranchées. Le sang continuait de couler. Pourtant, Kypros parvint à esquisser un sourire.
— J’ai trouvé… par hasard… Je ne le cherchais pas…
— Que cherchiez-vous, alors ?
— Ceci… là.
Elle désignait la ceinture de cuir usé assez large qui avait fixé sa tunique à sa taille et qu’Adalbert avait débouclée pour examiner la blessure. Aldo la tira doucement de sous le corps et, guidé par Kypros, trouva dans l’épaisseur du cuir une plaquette d’ivoire, très ancienne. Ciselée avec un art consommé, elle représentait une femme, une reine si l’on considérait son diadème, et cette reine portait de longues et curieuses boucles d’oreilles : c’étaient, sertis dans ce qui devait être de l’or, deux heptaèdres au milieu desquels le sculpteur avait placé un soleil et une lune minuscules…
— C’est romain, ça ! fit Adalbert qui avait arraché la plaquette des mains de son ami. Qui est la femme ?
— Bé… Bérénice… mais la suivante a dû… rapporter les bijoux… ici.
— De qui parlez-vous ?
— De… Oh !… Je… j’ai mal !
Le souffle se faisait court. Kypros était en train de mourir. Elle tourna, avec peine, sa tête vers Aldo et murmura :
— Sauvez-vous !… Ils vous tueront aussi… Et… et allez dire… à Percy… Clark… que sa fille est morte.
Le dernier mot s’exhala avec le dernier soupir.
À genoux de chaque côté du corps, les deux hommes échangèrent un regard stupéfait après qu’Aldo eut, d’un geste plein de douceur, clos à jamais les yeux de Kypros :
— Sa fille ? fit-il enfin. Comment est-ce possible ?
— En Palestine, tout est possible ! Il y est depuis si longtemps qu’au fond ce n’est pas très étonnant… Que faisons-nous à présent ?
— Il faut lui donner une sépulture, répondit Aldo en prenant les couvertures pour en envelopper le corps. On ne peut pas la laisser à la merci d’un charognard attiré par l’odeur du sang.
— Pas facile de creuser dans un rocher quand on n’a pas de dynamite ! Cette grotte est bien sèche et n’a d’autre ouverture que le passage donnant sur la première. Nous allons boucher ce passage et elle aura ainsi un tombeau convenable.
Deux heures plus tard, c’était fait. Dans la grisaille du petit jour, les deux hommes se retrouvèrent sur le sentier par lequel s’étaient enfuis les assassins. Repartir par celui qui les avait amenés représentait un exercice trop
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