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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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nous en
faisons d'autant plus chrestiennement.
    Ce que ce philosophe Stoïcien dit tenir du fortuit consentement
de la voix populaire, valoit-il pas mieux qu'il le tinst de
Dieu ?
Cum de animorum æternitate disserimus, non leve
momentum apud nos habet consensus hominum, aut timentium inferos,
aut colentium. Utor hac publica persuasione
.
    Or la foiblesse des argumens humains sur ce subject, se connoist
singulierement par les fabuleuses circonstances, qu'ils ont
adjoustees à la suite de ceste opinion, pour trouver de quelle
condition estoit cette nostre immortalité. Laissons les Stoïciens,
Usuram nobis largiuntur ; tanquam cornicibus ; diu
mansuros aiunt animos, semper negant
 : qui donnent aux
ames une vie au delà de ceste cy, mais finie. La plus universelle
et plus receuë fantaisie, et qui dure jusques à nous, ç'a esté
celle, de laquelle on fait autheur Pythagoras ; non qu'il en
fust le premier inventeur, mais d'autant qu'elle receut beaucoup de
poix, et de credit, par l'authorité de son approbation : C'est
que les ames au partir de nous, ne faisoient que rouler de l'un
corps à un autre, d'un lyon à un cheval, d'un cheval à un Roy, se
promenants ainsi sans cesse, de maison en maison.
    Et luy, disoit se souvenir avoir esté Æthalides, depuis
Euphorbus, en apres Hermotimus, en fin de Pyrrhus estre passé en
Pythagoras : ayant memoire de soy de deux cents six ans.
Adjoustoyent aucuns, que ces mesmes ames remontent au ciel par
fois, et en devallent encores :
    O pater, anne aliquas ad coelum
hinc ire putandum est
Sublimes animas, iterumque ad tarda reverti
Corpora ? quæ lucis miseris tam dira cupido ?
    Origene les fait aller et venir eternellement du bon au mauvais
estat. L'opinion que Varro recite, est, qu'en quatre cens quarante
ans de revolution elles se rejoignent à leur premier corps.
Chrysippus, que cela doibt advenir apres certain espace de temps
incognu et non limité.
    Platon (qui dit tenir de Pindare et de l'ancienne poësie ceste
croyance) des infinies vicissitudes de mutation, ausquelles l'ame
est preparée, n'ayant ny les peines, ny les recompenses en l'autre
monde, que temporelles, comme sa vie en cestuy-cy n'est que
temporelle, conclud en elle une singuliere sçience des affaires du
ciel, de l'enfer, et d'icy, où elle a passé, repassé, et sejourné à
plusieurs voyages : matiere à sa reminiscence.
    Voicy son progrés ailleurs : Qui a bien vescu, il se
rejoint à l'astre, auquel il est assigné : qui mal, il passe
en femme : et si lors mesme il ne se corrige point, il se
rechange en beste de condition convenable à ses moeurs
vicieuses : et ne verra fin à ses punitions, qu'il ne soit
revenu à sa naïve constitution, s'estant par la force de la raison
défaict des qualitez grossieres, stupides, et elementaires, qui
estoyent en luy.
    Mais je ne veux oublier l'objection que font les Epicuriens à
ceste transmigration de corps en autre. Elle est plaisante :
Ils demandent quel ordre il y auroit, si la presse des mourans
venoit à estre plus grande que des naissans. Car les ames deslogées
de leur giste seroyent à se fouler à qui prendroit place la
premiere dans ce nouvel estuy. Et demandent aussi, à quoy elles
passeroient leur temps, ce pendant qu'elles attendroient qu'un
logis leur fust appresté : ou au rebours s'il naissoit plus
d'animaux, qu'il n'en mourroit, ils disent que les corps seroient
en mauvais party, attendant l'infusion de leur ame, et en
adviendroit qu'aucuns d'iceux se mourroient avant que d'avoir esté
vivans.
    Denique connubia ad veneris,
partúsque ferarum,
Esse animas præsto deridiculum esse videtur,
Et spectare immortales mortalia membra
Innumero numero, certaréque præproperanter
Inter se, quæ prima potissimáque insinuetur.
    D'autres ont arresté l'ame au corps des trespassez, pour en
animer les serpents, les vers, et autres bestes, qu'on dit
s'engendrer de la corruption de nos membres, voire et de nos
cendres : D'autres la divisent en une partie mortelle, et
l'autre immortelle : Autres la font corporelle, et ce
neantmoins immortelle : Aucuns la font immortelle, sans
science et sans cognoissance. Il y en a aussi des nostres mesmes
qui ont estimé, que des ames des condamnez, il s'en faisoit des
diables : comme Plutarque pense, qu'il se face des dieux de
celles qui sont sauvées : Car il est peu de choses que cet
autheur là establisse d'une façon de parler si resolue, qu'il fait
ceste-cy : maintenant par tout ailleurs une

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