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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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divesque
miserque,
Effugere optat opes, et quæ modo voverat, odit
.
    Disons de moy-mesme. Je demandois à la fortune autant qu'autre
chose, l'ordre Sainct Michel estant jeune : car c'estoit lors
l'extreme marque d'honneur de la noblesse Françoise, et tres-rare.
Elle me l'a plaisamment accordé. Au lieu de me monter et hausser de
ma place, pour y aveindre, elle m'a bien plus gratieusement
traitté, elle l'a ravallé et rabaissé jusques à mes espaules et au
dessoubs.
    Cleobis et Biton, Trophonius et Agamedes, ayants requis ceux la
leur Deesse, ceux-cy leur Dieu, d'une recompense digne de leur
pieté, eurent la mort pour present : tant les opinions
celestes sur ce qu'il nous faut, sont diverses aux nostres.
    Dieu pourroit nous ottroyer les richesses, les honneurs, la vie
et la santé mesme, quelquefois à nostre dommage : car tout ce
qui nous est plaisant, ne nous est pas tousjours salutaire :
si au lieu de la guerison, il nous envoye la mort, ou l'empirement
de nos maux :
Virga tua et baculus tuus ipsa me consolata
sunt
 : il le fait par les raisons de sa providence, qui
regarde bien plus certainement ce qui nous est deu, que nous ne
pouvons faire : et le devons prendre en bonne part, comme
d'une main tres-sage et tres-amie.
    si consilium vis,
Permittes ipsis expendere numinibus, quid
Conveniat nobis, rebùsque sit utile nostris :
Charior est illis homo quàm sibi
.
    Car de les requerir des honneurs, des charges, c'est les
requerir, qu'ils vous jettent à une bataille, ou au jeu des dez, ou
telle autre chose, de laquelle l'issue vous est incognue, et le
fruict doubteux.
    Il n'est point de combat si violent entre les philosophes, et si
aspre, que celuy qui se dresse sur la question du souverain bien de
l'homme : duquel par le calcul de Varro, nasquirent deux cens
quatre vingtz sectes.
Qui autem de summo bono dissentit, de
tota philosophiæ ratione disputat
.
    Tres mihi convivæ prope
dissentire videntur,
Poscentes vario multum diversa palato :
Quid dem ? quid non dem ? renvis tu quod jubet
alter,
Quod petis, id sanè est invisum acidumque duobus
.
    Nature devroit ainsi respondre à leurs contestations, et à leurs
debats.
    Les uns disent nostre bien estre, loger en la vertu :
d'autres, en la volupté : d'autres, au consentir à
nature : qui en la science : qui à n'avoir point de
douleur : qui à ne se laisser emporter aux apparences :
et à ceste fantasie semble retirer cet'autre, de l'ancien
Pythagoras :
    Nil admirari prope res est una,
Numaci,
Soláque quæ possit facere et servare beatum
,
    qui est la fin de la secte Pyrrhoniene. Aristote attribue à
magnanimité, rien n'admirer. Et disoit Archesilas, les soustenemens
et l'estat droit et inflexible du jugement, estre les biens :
mais les consentemens et applications estre les vices et les maux.
Il est vray qu'en ce qu'il l'establissoit par axiome certain, il se
départoit du Pyrrhonisme. Les Pyrrhoniens, quand ils disent que le
souverain bien c'est l'Ataraxie, qui est l'immobilité du jugement,
ils ne l'entendent pas dire d'une façon affirmative, mais le mesme
bransle de leur ame, qui leur fait fuir les precipices, et se
mettre à couvert du serein, celuy là mesme leur presente ceste
fantasie, et leur en fait refuser une autre.
    Combien je desire, que pendant que je vis, ou quelque autre, ou
Justus Lipsius, le plus sçavant homme qui nous reste, d'un esprit
tres-poly et judicieux, vrayement germain à mon Turnebus, eust et
la volonté, et la santé, et assez de repos, pour ramasser en un
registre, selon leurs divisions et leurs classes, sincerement et
curieusement, autant que nous y pouvons voir, les opinions de
l'ancienne philosophie sur le subject de nostre estre et de nos
moeurs, leurs controverses, le credit et suitte des pars,
l'application de la vie des autheurs et sectateurs, à leurs
preceptes, és accidens memorables et exemplaires ! Le bel
ouvrage et utile que ce seroit !
    Au demeurant, si c'est de nous que nous tirons le reglement de
nos moeurs, à quelle confusion nous rejettons nous ? Car ce
que nostre raison nous y conseille de plus vray-semblable, c'est
generalement à chacun d'obeyr aux loix de son pays, comme est
l'advis de Socrates inspiré (dit-il) d'un conseil divin. Et par là
que veut elle dire, sinon que nostre devoir n'a autre regle que
fortuite ? La verité doit avoir un visage pareil et universel.
La droiture et la justice, si l'homme en cognoissoit, qui eust
corps et veritable essence, il ne l'attacheroit pas

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