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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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Aphricain, Xenophon : Marcus Brutus,
Polybius : Charles cinquiesme, Philippe de Comines. Et dit-on
de ce temps, que Machiavel est encores ailleurs en credit :
Mais le feu Mareschal Strossy, qui avoit pris Cæsar pour sa part,
avoit sans doubte bien mieux choisi : car à la verité ce
devroit estre le breviaire de tout homme de guerre, comme estant le
vray et souverain patron de l'art militaire. Et Dieu sçait encore
de quelle grace, et de quelle beauté il a fardé ceste riche
matiere, d'une façon de dire si pure, si delicate, et si parfaicte,
qu'à mon goust, il n'y a aucuns escrits au monde, qui puissent
estre comparables aux siens, en ceste partie.
    Je veux icy enregistrer certains traicts particuliers et rares,
sur le faict de ses guerres, qui me sont demeurez en memoire.
    Son armée estant en quelque effroy, pour le bruit qui couroit
des grandes forces, que menoit contre luy le Roy Juba, au lieu de
rabattre l'opinion que ses soldats en avoyent prise, et appetisser
les moyens de son ennemy, les ayant faict assembler pour les
r'asseurer et leur donner courage, il print une voye toute
contraire à celle que nous avons accoustumé : car il leur dit
qu'ils ne se missent plus en peine de s'enquerir des forces que
menoit l'ennemy, et qu'il en avoit eu bien certain
advertissement : et lors il leur en fit le nombre surpassant
de beaucoup, et la verité, et la renommée, qui en couroit en son
armée. Suivant ce que conseille Cyrus en Xenophon : D'autant
que la tromperie n'est pas de tel interest, de trouver les ennemis
par effect plus foibles qu'on avoit esperé : que de les
trouver à la verité bien forts, apres les avoir jugez foibles par
reputation.
    Il accoustumoit sur tout ses soldats à obeyr simplement, sans se
mesler de contreroller, ou parler des desseins de leur
Capitaine ; lesquels il ne leur communiquoit que sur le poinct
de l'execution : et prenoit plaisir s'ils en avoyent
descouvert quelque chose, de changer sur le champ d'advis, pour les
tromper : et souvent pour cet effect ayant assigné un logis en
quelque lieu, il passoit outre, et allongeoit la journée, notamment
s'il faisoit mauvais temps et pluvieux.
    Les Souisses, au commencement de ses guerres de Gaule, ayans
envoyé vers luy pour leur donner passage au travers des terres des
Romains ; estant deliberé de les empescher par force, il leur
contrefit toutesfois un bon visage, et print quelques jours de
delay à leur faire responce, pour se servir de ce loisir, à
assembler son armée. Ces pauvres gens ne sçavoyent pas combien il
estoit excellent mesnager du temps : car il redit
maintes-fois, que c'est la plus souveraine partie d'un Capitaine,
que la science de prendre au poinct les occasions, et la diligence,
qui est en ses exploicts, à la verité, inouye et incroyable.
    S'il n'estoit pas fort conscientieux en cela, de prendre
advantage sur son ennemy, sous couleur d'un traicté d'accord :
il l'estoit aussi peu, en ce qu'il ne requeroit en ses soldats
autre vertu que la vaillance, ny ne punissoit guere autres vices,
que la mutination, et la desobeyssance. Souvent apres ses
victoires, il leur laschoit la bride à toute licence, les
dispensant pour quelque temps des regles de la discipline
militaire, adjoustant à cela, qu'il avoit des soldats si bien
creez, que tous perfumez et musquez, ils ne laissoyent pas d'aller
furieusement au combat. De vray, il aymoit qu'ils fussent richement
armez, et leur faisoit porter des harnois gravez, dorez et
argentez : afin que le soing de la conservation de leurs
armes, les rendist plus aspres à se deffendre. Parlant à eux, il
les appelloit du nom de
compagnons
, que nous usons
encore : ce qu'Auguste son successeur reforma, estimant qu'il
l'avoit faict pour la necessité de ses affaires, et pour flatter le
coeur de ceux qui ne le suyvoient que volontairement :
    Rheni mihi Cæsar in undis
Dux erat, hic socius, facinus quos inquinat, æquat
.
    mais que cette façon estoit trop rabbaissée, pour la dignité
d'un Empereur et general d'armée, et remit en train de les appeller
seulement soldats.
    A cette courtoisie, Cæsar mesloit toutesfois une grande
severité, à les reprimer. La neufiesme legion s'estant mutinée au
pres de Plaisance, il la cassa avec ignominie, quoy que Pompeius
fust lors encore en pieds, et ne la reçeut en grace qu'avec
plusieurs supplications. Il les rappaisoit plus par authorité et
par audace, que par douceur.
    Là où il parle de son passage de la riviere du Rhin,

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