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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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general de toutes les parties des Gaules, revoltées, print
party de s'aller enfermer dans Alexia. Car celuy qui commande à
tout un pays ne se doit jamais engager qu'au cas de cette
extremité, qu'il y allast de sa derniere place, et qu'il n'y eust
rien plus à esperer qu'en la deffence d'icelle. Autrement il se
doit tenir libre, pour avoir moyen de prouvoir en general à toutes
les parties de son gouvernement.
    Pour revenir à Cæsar, il devint avec le temps un peu plus tardif
et plus consideré, comme tesmoigne son familier Oppius :
estimant, qu'il ne devoit aisément hazarder l'honneur de tant de
victoires, lequel, une seule defortune luy pourroit faire perdre.
C'est ce que disent les Italiens, quand ils veulent reprocher cette
hardiesse temeraire, qui se void aux jeunes gens, les nommants
necessiteux d'honneur,
bisognosi d'honore 
: et
qu'estans encore en cette grande faim et disette de reputation, ils
ont raison de la chercher à quelque prix que ce soit : ce que
ne doivent pas faire ceux qui en ont desja acquis à suffisance. Il
y peut avoir quelque juste moderation en ce desir de gloire, et
quelque sacieté en cet appetit, comme aux autres : assez de
gens le pratiquent ainsin.
    Il estoit bien esloigné de cette religion des anciens Romains,
qui ne se vouloyent prevaloir en leurs guerres, que de la vertu
simple et nayfve : Mais encore y apportoit il plus de
conscience que nous ne ferions à cette heure, et n'approuvoit pas
toutes sortes de moyens, pour acquerir la victoire. En la guerre
contre Arjouistus, estant à parlementer avec luy, il y survint
quelque remuement entre les deux armées, qui commença par la faute
des gens de cheval d'Arjouistus : Sur ce tumulte, Cæsar se
trouva avoir fort grand advantage sur ses ennemis, toutes-fois il
ne s'en voulut point prevaloir, de peur qu'on luy peust reprocher
d'y avoir procedé de mauvaise foy.
    Il avoit accoustumé de porter un accoustrement riche au combat,
et de couleur esclatante, pour se faire remarquer.
    Il tenoit la bride plus estroite à ses soldats, et les tenoit
plus de court estants pres des ennemis.
    Quand les anciens Grecs vouloient accuser quelqu'un d'extreme
insuffisance, ils disoyent en commun proverbe, qu'il ne sçavoit ny
lire ny nager : il avoit cette mesme opinion, que la science
de nager estoit tres-utile à la guerre, et en tira plusieurs
commoditez : s'il avoit à faire diligence, il franchissoit
ordinairement à nage les rivieres qu'il rencontroit : car il
aymoit à voyager à pied, comme le grand Alexandre. En Ægypte, ayant
esté forcé pour se sauver, de se mettre dans un petit batteau, et
tant de gens s'y estants lancez quant et luy, qu'il estoit en
danger d'aller à fons, il ayma mieux se jetter en la mer, et gaigna
sa flotte à nage, qui estoit plus de deux cents pas au delà, tenant
en sa main gauche ses tablettes hors de l'eau, et trainant à belles
dents sa cotte darmes, afin que l'ennemy n'en jouyst, estant desja
bien avancé sur l'aage.
    Jamais chef de guerre n'eut tant de creance sur ses
soldats : Au commencement de ses guerres civiles, les
centeniers luy offrirent de soudoyer chacun sur sa bourse, un homme
d'armes, et les gens de pied, de le servir à leurs despens :
ceux qui estoyent plus aysez, entreprenants encore à deffrayer les
plus necessiteux. Feu Monsieur l'Admiral de Chastillon nous fit
veoir dernierement un pareil cas en noz guerres civiles : car
les François de son armée, fournissoient de leurs bourses au
payement des estrangers, qui l'accompagnoient. Il ne se trouveroit
guere d'exemples d'affection si ardente et si preste, parmy ceux
qui marchent dans le vieux train, soubs l'ancienne police des
loix.
    La passion nous commande bien plus vivement que la raison. Il
est pourtant advenu en la guerre contre Annibal, qu'à l'exemple de
la liberalité du peuple Romain en la ville, les gendarmes et
Capitaines refuserent leur paye ; et appelloit on au camp de
Marcellus, mercenaires, ceux qui en prenoient.
    Ayant eu du pire aupres de Dyrrachium, ses soldats se vindrent
d'eux mesmes offrir à estre chastiez et punis, de façon qu'il eut
plus à les consoler qu'à les tancer. Une sienne seule cohorte,
soustint quatre legions de Pompeius plus de quatre heures, jusques
à ce qu'elle fut quasi toute deffaicte à coups de trait, et se
trouva dans la tranchée, cent trente mille flesches. Un soldat
nommé Scæva, qui commandoit à l'une des entrées, s'y maintint
invincible ayant un oeil crevé, une espaule et une

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