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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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merveilleusement
voisin de celuy, auquel il avoit surpris Cæsar : car Venus
& Bacchus se conviennent volontiers, à ce que dit le
proverbe : mais chez moy Venus est bien plus allegre,
accompaignée de la sobrieté.
    Les exemples de sa douceur, & de sa clemence, envers ceux
qui l'avoient offencé sont infinis : je dis outre ceux qu'il
donna, pendant le temps que la guerre civile estoit encore en son
progrés, desquels il fait luy-mesmes assez sentir par ses escrits,
qu'il se servoit pour amadouër ses ennemis, & leur faire moins
craindre sa future domination & sa victoire. Mais si faut il
dire que ces exemples là s'ils ne sont suffisans à nous tesmoigner
sa naïve douceur, ils nous montrent au moins une merveilleuse
confiance & grandeur de courage, en ce personnage. Il luy est
advenu souvent, de renvoyer des armées toutes entieres à son
ennemy, apres les avoir vaincuës, sans daigner seulement les
obliger par serment, sinon de le favoriser, aumoins de se contenir
sans luy faire la guerre : il a prins trois & quatre fois
tels capitaines de Pompeius, & autant de fois remis en liberté.
Pompeius declaroit ses ennemis, tous ceux qui ne l'accompaignoient
à la guerre : & luy fit proclamer qu'il tenoit pour amis
tous ceux qui ne bougeoient, & qui ne s'armoyent
effectuellement contre luy. A ceux de ses capitaines, qui se
desroboient de luy pour aller prendre autre condition, il
r'envoioit encore les armes, chevaux, & equipages. Les villes
qu'il avoit prinses par force, il les laissoit en liberté de suyvre
tel party qu'il leur plairoit, ne leur donnant autre garnison, que
la memoire de sa douceur & clemence. Il deffendit le jour de sa
grande bataille de Pharsale, qu'on ne mist qu'à toute extremité, la
main sur les citoyens Romains.
    Voyla des traits bien hazardeux selon mon jugement : &
n'est pas merveilles si aux guerres civiles, que nous sentons, ceux
qui combattent, comme luy, l'estat ancien de leur pays, n'en
imitent l'exemple : Ce sont moyens extraordinaires, &
qu'il n'appartient qu'à la fortune de Cæsar, & à son admirable
pourvoyance, d'heureusement conduire. Quand je considere la
grandeur incomparable de ceste ame, j'excuse la victoire, de ne
s'estre peu depestrer de luy, voire en ceste tres-injuste &
tres-inique cause.
    Pour revenir à sa clemence, nous en avons plusieurs naifs
exemples, au temps de sa domination, lors que toutes choses estants
reduites en sa main, il n'avoit plus à se feindre. Caius Memmius
avoit escrit contre luy des oraisons tres-poignantes, ausquelles il
avoit bien aigrement respondu : si ne laissa-il bien tost
apres d'ayder à le faire Consul. Caius Calvus qui avoit faict
plusieurs epigrammes injurieux contre luy, ayant employé de ses
amis pour le reconcilier, Cæsar se convia luy-mesme à luy escrire
le premier. Et nostre bon Catulle, qui l'avoit testonné si rudement
sous le nom de Mamurra, s'en estant venu excuser à luy, il le fit
ce jour mesme soupper à sa table. Ayant esté adverty d'aucuns qui
parloient mal de luy, il n'en fit autre chose, que declarer en une
sienne harangue publique, qu'il en estoit adverty. Il craignoit
encore moins ses ennemis, qu'il ne les haissoit. Aucunes
conjurations & assemblees, qu'on faisoit contre sa vie, luy
ayants esté descouvertes, il se contenta de publier par edit
qu'elles luy estoient cognuës, sans autrement en poursuyvre les
autheurs. Quant au respect qu'il avoit à ses amis : Caius
Oppiu svoyageant avec luy, & se trouvant mal, il luy quitta un
seul logis qu'il y avoit, & coucha toute la nuict sur la dure
& au descouvert. Quant à sa justice, il fit mourir un sien
serviteur, qu'il aimoit singulierement, pour avoir couché avecques
la femme d'un chevalier Romain, quoy que personne ne s'en
plaignist. Jamais homme n'apporta, ny plus de moderation en sa
victoire, ny plus de resolution en la fortune contraire.
    Mais toutes ces belles inclinations furent alterées &
estouffées, par ceste furieuse passion ambitieuse à laquelle il se
laissa si fort emporter, qu'on peut aisément maintenir, qu'elle
tenoit le timon & le gouvernail de toutes ses actions. D'un
homme liberal, elle en rendit un voleur publique, pour fournir à
ceste profusion & largesse, & luy fit dire ce vilain &
tres-injuste mot, que si les plus meschans & perdus hommes du
monde, luy avoyent esté fidelles, au service de son agrandissement,
il les cheriroit & avanceroit de son pouvoir, aussi bien que
les plus gens de bien : L'enyvra d'une vanité si extreme,
qu'il osoit se

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