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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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prevaloir le plus, qui sont ses
digressions et discours, il y en a de bons et enrichis de beaux
traits, mais il s'y est trop pleu : Car pour ne vouloir rien
laisser à dire, ayant un suject si plain et ample, et à peu pres
infiny, il en devient lasche, et sentant un peu le caquet
scholastique. J'ay aussi remerqué cecy, que de tant d'ames et
effects qu'il juge, de tant de mouvemens et conseils, il n'en
rapporte jamais un seul à la vertu, religion, et conscience :
comme si ces parties là estoyent du tout esteintes au monde :
et de toutes les actions, pour belles par apparence qu'elles soient
d'elles mesmes, il en rejecte la cause à quelque occasion vitieuse,
ou à quelque proufit. Il est impossible d'imaginer, que parmy cet
infiny nombre d'actions, dequoy il juge, il n'y en ait eu
quelqu'une produite par la voye de la raison. Nulle corruption peut
avoir saisi les hommes si universellement, que quelqu'un n'eschappe
de la contagion : Cela me fait craindre qu'il y aye un peu du
vice de son goust, et peut estre advenu, qu'il ait estimé d'autruy
selon soy.
    En mon Philippe de Comines, il y a cecy : Vous y trouverez
le langage doux et aggreable, d'une naïfve simplicité, la narration
pure, et en laquelle la bonne foy de l'autheur reluit evidemment,
exempte de vanité parlant de soy, et d'affection et d'envie parlant
d'autruy : ses discours et enhortemens, accompaignez, plus de
bon zele et de verité, que d'aucune exquise suffisance, et tout par
tout de l'authorité et gravité, representant son homme de bon lieu,
et élevé aux grans affaires.
    Sur les
Mémoires
de monsieur du Bellay : C'est
tousjours plaisir de voir les choses escrites par ceux, qui ont
essayé comme il les faut conduire : mais il ne se peut nier
qu'il ne se découvre evidemment en ces deux seigneurs icy un grand
dechet de la franchise et liberté d'escrire, qui reluit és anciens
de leur sorte : comme au Sire de Jouinville domestique de S.
Loys, Eginard Chancelier de Charlemaigne, et de plus fresche
memoire en Philippe de Comines. C'est icy plustost un plaidoyer
pour le Roy François, contre l'Empereur Charles cinquiesme, qu'une
histoire. Je ne veux pas croire, qu'ils ayent rien changé, quant au
gros du faict, mais de contourner le jugement des evenemens souvent
contre raison, à nostre avantage, et d'obmettre tout ce qu'il y a
de chatouilleux en la vie de leur maistre, ils en font
mestier : tesmoing les reculemens de messieurs de Montmorency
et de Brion, qui y sont oubliez, voire le seul nom de Madame
d'Estampes, ne s'y trouve point. On peut couvrir les actions
secrettes, mais de taire ce que tout le monde sçait, et les choses
qui ont tiré des effects publiques, et de telle consequence, c'est
un defaut inexcusable. Somme pour avoir l'entiere connoissance du
Roy François, et des choses advenuës de son temps, qu'on s'addresse
ailleurs, si on m'en croit : Ce qu'on peut faire icy de
profit, c'est par la deduction particuliere des batailles et
exploits de guerre, où ces gentils-hommes se sont trouvez :
quelques paroles et actions privées d'aucuns Princes de leur temps,
et les pratiques et negociations conduites par le Seigneur de
Langeay, où il y a tout plein de choses dignes d'estre sceues, et
des discours non vulgaires.

Chapitre 11 De la cruauté
    IL me semble que la vertu est chose autre, et plus noble, que
les inclinations à la bonté, qui naissent en nous. Les ames reglées
d'elles mesmes et bien nées, elles suyvent mesme train, et
representent en leurs actions, mesme visage que les vertueuses.
Mais la vertu sonne je ne sçay quoy de plus grand et de plus actif,
que de se laisser par une heureuse complexion, doucement et
paisiblement conduire à la suite de la raison. Celuy qui d'une
douceur et facilité naturelle, mespriseroit les offences receuës,
feroit chose tresbelle et digne de loüange : mais celuy qui
picqué et outré jusques au vif d'une offence, s'armeroit des armes
de la raison contre ce furieux appetit de vengeance, et apres un
grand conflict, s'en rendroit en fin maistre, feroit sans doubte
beaucoup plus. Celuy-là feroit bien, et cestuy-cy
vertueusement : l'une action se pourroit dire bonté, l'autre
vertu. Car il semble que le nom de la vertu presuppose de la
difficulté et du contraste, et qu'elle ne peut s'exercer sans
partie. C'est à l'aventure pourquoy nous nommons Dieu bon, fort, et
liberal, et juste, mais nous ne le nommons pas vertueux. Ses
operations sont toutes naïfves et sans effort.
    Des

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