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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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mulier prohibet se concipere
atque repugnat,
Clunibus ipsa viri venerem si læta retractet,
Atque exossato ciet omni pectore fluctus.
Ejicit enim sulci recta regione viaque
Vomerem, atque locis avertit seminis ictum
.
    Si c'est justice de rendre à chacun ce qui luy est deu, les
bestes qui servent, ayment et deffendent leurs bien-faicteurs, et
qui poursuyvent et outragent les estrangers et ceux qui les
offencent, elles representent en cela quelque air de nostre
justice : comme aussi en conservant une equalité
tres-equitable en la dispensation de leurs biens à leurs petits.
Quant à l'amitié, elles l'ont sans comparaison plus vive et plus
constante, que n'ont pas les hommes. Hyrcanus le chien du Roy
Lysimachus, son maistre mort, demeura obstiné sus son lict, sans
vouloir boire ne manger : et le jour qu'on en brusla le corps,
il print sa course, et se jetta dans le feu, où il fut bruslé.
Comme fit aussi le chien d'un nommé Pyrrhus ; car il ne bougea
de dessus le lict de son maistre, depuis qu'il fut mort : et
quand on l'emporta, il se laissa enlever quant et luy, et
finalement se lança dans le buscher où on brusloit le corps de son
maistre. Il y a certaines inclinations d'affection, qui naissent
quelquefois en nous, sans le conseil de la raison, qui viennent
d'une temerité fortuite, que d'autres nomment sympathie : les
bestes en sont capables comme nous. Nous voyons les chevaux prendre
certaine accointance des uns aux autres, jusques à nous mettre en
peine pour les faire vivre ou voyager separément : On les void
appliquer leur affection à certain poil de leurs compagnons, comme
à certain visage : et où ils le rencontrent, s'y joindre
incontinent avec feste et demonstration de bien-vueillance ;
et prendre quelque autre forme à contre-coeur et en haine. Les
animaux ont choix comme nous, en leurs amours, et font quelque
triage de leurs femelles. Ils ne sont pas exempts de nos jalousies
et d'envies extremes et irreconciliables.
    Les cupiditez sont ou naturelles et necessaires, comme le boire
et le manger ; ou naturelles et non necessaires, comme
l'accointance des femelles ; ou elles ne sont ny naturelles ny
necessaires : de cette derniere sorte sont quasi toutes celles
des hommes : elles sont toutes superfluës et
artificielles : Car c'est merveille combien peu il faut à
nature pour se contenter, combien peu elle nous a laissé à
desirer : Les apprests à nos cuisines ne touchent pas son
ordonnance. Les Stoiciens disent qu'un homme auroit dequoy se
substanter d'une olive par jour. La delicatesse de nos vins, n'est
pas de sa leçon, ny la recharge que nous adjoustons aux appetits
amoureux :
    neque illa
Magno prognatum deposcit consule cunnum
.
    Ces cupiditez estrangeres, que l'ignorance du bien, et une fauce
opinion ont coulées en nous, sont en si grand nombre, qu'elles
chassent presque toutes les naturelles : Ny plus ny moins que
si en une cité, il y avoit si grand nombre d'estrangers, qu'ils en
missent hors les naturels habitans, ou esteignissent leur authorité
et puissance ancienne, l'usurpant entierement, et s'en saisissant.
Les animaux sont beaucoup plus reglez que nous ne sommes, et se
contiennent avec plus de moderation soubs les limites que nature
nous a prescripts : Mais non pas si exactement, qu'ils n'ayent
encore quelque convenance à nostre desbauche. Et tout ainsi comme
il s'est trouvé des desirs furieux, qui ont poussé les hommes à
l'amour des bestes, elles se trouvent aussi par fois esprises de
nostre amour, et reçoivent des affections monstrueuses d'une espece
à autre : Tesmoin l'elephant corrival d'Aristophanes le
grammairien, en l'amour d'une jeune bouquetiere en la ville
d'Alexandrie, qui ne luy cedoit en rien aux offices d'un
poursuyvant bien passionné : car se promenant par le marché,
où lon vendoit des fruicts, il en prenoit avec sa trompe, et les
luy portoit : il ne la perdoit de veuë, que le moins qu'il luy
estoit possible ; et luy mettoit quelquefois la trompe dans le
sein par dessoubs son collet, et luy tastoit les tettins. Ils
recitent aussi d'un dragon amoureux d'une fille ; et d'une oye
esprise de l'amour d'un enfant, en la ville d'Asope ; et d'un
belier serviteur de la menestriere Glaucia : et il se void
tous les jours des magots furieusement espris de l'amour des
femmes. On void aussi certains animaux s'addonner à l'amour des
masles de leur sexe. Oppianus et autres recitent quelques exemples,
pour montrer la reverence que les bestes en

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