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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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mihi vita
Charior est ipsa mentula ? signa canant.
    (J'use en liberté de conscience de mon Latin, avecq le congé,
que vous m'en avez donné.) Or ce grand corps a tant de visages et
de mouvemens, qui semblent menasser le ciel et la terre :
    Quam multi Lybico volvuntur
marmore fluctus,
Sævus ubi Orion hybernis conditur undis,
Vel cum sole novo densæ torrentur aristæ,
Aut Hermi campo, aut Liciæ flaventibus arvis,
Scuta sonant, pulsuque pedum tremit excita tellus.
    ce furieux monstre, à tant de bras et à tant de testes, c'est
tousjours l'homme foyble, calamiteux, et miserable. Ce n'est qu'une
sormilliere esmeuë et eschaufée,
    It nigrum campis
agmen :
    un souffle de vent contraire, le croassement d'un vol de
corbeaux, le faux pas d'un cheval, le passage fortuite d'un
aigle ; un songe, une voix, un signe, une brouée matiniere,
suffisent à le renverser et porter par terre. Donnez luy seulement
d'un rayon de Soleil par le visage, le voyla fondu et
esvanouy : qu'on luy esvente seulement un peu de poussiere aux
yeux, comme aux mouches à miel de nostre Poëte, voyla toutes nos
enseignes, nos legions, et le grand Pompeius mesmes à leur teste,
rompu et fracassé : car ce fut luy, ce me semble, que
Sertorius battit en Espagne à tout ces belles armes, qui ont aussi
servy à Eumenes contre Antigonus, à Surena contre
Crassus :
    Hi motus animorum, atque hæc
certamina tanta
Pulveris exigui jactu compressa quiescent.
    Qu'on descouple mesmes de noz mouches apres, elles auront et la
force et le courage de le dissiper. De fresche memoire, les
Portugais assiegeans la ville de Tamly, au territoire de Xiatine,
les habitans d'icelle porterent sur la muraille quantité de ruches,
dequoy ils sont riches. Et avec du feu chasserent les abeilles si
vivement sur leurs ennemis, qu'ils abandonnerent leur entreprinse,
ne pouvans soustenir leurs assauts et piqueures. Ainsi demeura la
victoire et liberté de leur ville, à ce nouveau secours : avec
telle fortune, qu'au retour du combat, il ne s'en trouva une seule
à dire.
    Les ames des Empereurs et des savatiers sont jettees à mesme
moule. Considerant l'importance des actions des Princes et leur
poix, nous nous persuadons qu'elles soyent produictes par quelques
causes aussi poisantes et importantes. Nous nous trompons :
ils sont menez et ramenez en leurs mouvemens, par les mesmes
ressors, que nous sommes aux nostres. La mesme raison qui nous fait
tanser avec un voisin, dresse entre les Princes une guerre :
la mesme raison qui nous fait fouëtter un laquais, tombant en un
Roy, luy fait ruiner une Province. Ils veulent aussi legerement que
nous, mais ils peuvent plus. Pareils appetits agitent un ciron et
un elephant.
    Quant à la fidelité, il n'est animal au monde traistre au prix
de l'homme. Nos histoires racontent la vifve poursuitte que
certains chiens ont faict de la mort de leurs maistres. Le Roy
Pyrrhus ayant rencontré un chien qui gardoit un homme mort, et
ayant entendu qu'il y avoit trois jours qu'il faisoit cet office,
commanda qu'on enterrast ce corps, et mena ce chien quant et luy.
Un jour qu'il assistoit aux montres generales de son armee, ce
chien appercevant les meurtriers de son maistre, leur courut sus,
avec grans aboys et aspreté de courroux, et par ce premier indice
achemina la vengeance de ce meurtre, qui en fut faicte bien tost
apres par la voye de la justice. Autant en fit le chien du sage
Hesiode, ayant convaincu les enfans de Ganistor Naupactien, du
meurtre commis en la personne de son maistre. Un autre chien estant
à la garde d'un temple à Athenes, ayant aperçeu un larron sacrilege
qui emportoit les plus beaux joyaux, se mit à abbayer contre luy
tant qu'il peut : mais les marguilliers ne s'estans point
esveillez pour cela, il se meit à le suyvre, et le jour estant
venu, se tint un peu plus esloigné de luy, sans le perdre jamais de
veuë : s'il luy offroit à manger, il n'en vouloit pas, et aux
autres passans qu'il rencontroit en son chemin, il leur faisoit
feste de la queuë, et prenoit de leurs mains ce qu'ils luy
donnoient à manger : si son larron s'arrestoit pour dormir, il
s'arrestoit quant et quant au lieu mesmes. La nouvelle de ce chien
estant venuë aux marguilliers de ceste Eglise, ils se mirent à le
suivre à la trace, s'enquerans des nouvelles du poil de ce chien,
et en fin le rencontrerent en la ville de Cromyon, et le larron
aussi, qu'ils ramenerent en la ville d'Athenes, où il fut puny. Et
les juges en recognoissance de ce bon

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