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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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trahiroit et assommeroit cette nuict là : composant avec la
fortune, que ce fust sans effroy et sans langueur : Et me suis
escrié apres mon patenostre,
    Impius hæc tam culta novalia miles
habebit ?
    Quel remede ? c'est le lieu de ma naissance, et de la plus
part de mes ancestres : ils y ont mis leur affection et leur
nom : Nous nous durcissons à tout ce que nous accoustumons. Et
à une miserable condition, comme est la nostre, ç'a esté un
tresfavorable present de nature, que l'accoustumance, qui endort
nostre sentiment à la souffrance de plusieurs maux. Les guerres
civiles ont cela de pire que les autres guerres, de nous mettre
chacun en echauguette en sa propre maison.
    Quàm miserum, porta vitam muroque
tueri,
Vixque suæ tutum viribus esse domus !
    C'est grande extremite, d'estre pressé jusques dans son mesnage,
et repos domestique. Le lieu où je me tiens, est tousjours le
premier et le dernier, à la batterie de nos troubles : et où
la paix n'a jamais son visage entier,
    Tum quoque cum pax est, trepidant formidine
belli
.
    quoties pacem fortuna lacessit,
Hac iter est bellis.
Melius fortuna dedisses
Orbe sub Eoo sedem, gelidàque sub Arcto,
Errantésque domos
.
    Je tire par fois, le moyen de me fermir contre ces
considerations, de la nonchalance et lascheté. Elles nous menent
aussi aucunement à la resolution. Il m'advient souvent, d'imaginer
avec quelque plaisir, les dangers mortels, et les attendre. Je me
plonge la teste baissee, stupidement dans la mort, sans la
considerer et recognoistre, comme dans une profondeur muette et
obscure, qui m'engloutit d'un saut, et m'estouffe en un instant,
d'un puissant sommeil, plein d'insipidité et indolence. Et en ces
morts courtes et violentes, la consequence que j'en prevoy, me
donne plus de consolation, que l'effait de crainte. Ils disent,
comme la vie n'est pas la meilleure, pour estre longue, que la mort
est la meilleure, pour n'estre pas longue. Je ne m'estrange pas
tant de l'estre mort, comme j'entre en confidence avec le mourir.
Je m'enveloppe et me tapis en cet orage, qui me doit aveugler et
ravir de furie, d'une charge prompte et insensible.
    Encore s'il advenoit, comme disent aucuns jardiniers, que les
roses et violettes naissent plus odoriferantes pres des aulx et des
oignons, d'autant qu'ils sucçent et tirent à eux, ce qu'il y a de
mauvaise odeur en la terre : Aussi que ces depravées natures,
humassent tout le venin de mon air et du climat, et m'en rendissent
d'autant meilleur et plus pur, par leur voysinage : que je ne
perdisse pas tout. Cela n'est pas : mais de cecy il en peut
estre quelque chose, que la bonté est plus belle et plus attraiante
quand elle est rare, et que la contrarieté et diversité, roidit et
resserre en soy le bien faire : et l'enflamme par la jalousie
de l'opposition, et par la gloire.
    Les voleurs de leur grace, ne m'en veulent pas
particulierement : Ne fay-je pas moy à eux. Il m'en faudroit à
trop de gents. Pareilles consciences logent sous diverses sortes de
robes. Pareille cruauté, desloyauté, volerie. Et d'autant pire,
qu'elle est plus lasche, plus seure, et plus obscure, sous l'ombre
des loix. Je hay moins l'injure professe que trahitresse ;
guerriere que pacifique et juridique. Nostre fievre est survenuë en
un corps, qu'elle n'a de guere empiré. Le feu y estoit, laflamme
s'y est prinse. Le bruit est plus grand : le mal, de peu.
    Je respons ordinairement, à ceux qui me demandent raison de mes
voyages : Que je sçay bien ce que je fuis, mais non pas ce que
je cherche. Si on me dit, que parmy les estrangers il y peut avoir
aussi peu de santé, et que leurs moeurs ne sont pas mieux nettes
que les nostres : Je respons premierement, qu'il est
mal-aysé :
    Tam multæ scelerum facies.
    Secondement, que c'est tousjours gain, de changer un mauvais
estat à un estat incertain. Et que les maux d'autruy ne nous
doivent pas poindre comme les nostres.
    Je ne veux pas oublier cecy, que je ne me mutine jamais tant
contre la France, que je ne regarde Paris de bon oeil : Elle a
mon coeur des mon enfance : Et m'en est advenu comme des
choses excellentes : plus j'ay veu dépuis d'autres villes
belles, plus la beauté de cette cy, peut, et gaigne sur mon
affection. Je l'ayme par elle mesme, et plus en son estre seul, que
rechargee de pompe estrangere : Je l'ayme tendrement, jusques
à ses verrues et à ses taches. Je ne suis François, que par cette
grande cité : grande en peuples, grande en felicité de

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