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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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Je
suis delicat à l'observation de mes promesses, jusques à la
superstition : et les fay en tous subjects volontiers
incertaines et conditionnelles. A celles, qui sont de nul poids, je
donne poids de la jalousie de ma reigle : elle me gehenne et
charge de son propre interest. Ouy, és entreprinses toutes miennes
et libres, si j'en dy le poinct, il me semble, que je me les
prescry : et que, le donner à la science d'autruy, c'est le
preordonner à soy. Il me semble que je le promets, quand je le dy.
Ainsi j'evente peu mes propositions.
    La condemnation que je fais de moy, est plus vifve et roide, que
n'est celle des juges, quine me prennent que par le visage de
l'obligation commune : l'estreinte de ma conscience plus
serree, et plus severe : Je suy laschement les debvoirs
ausquels on m'etraineroit, si je n'y allois.
Hoc ipsum ita
justum est quod recte fit, si est voluntarium
. Si l'action on
n'a quelque splendeur de liberté, elle n'a point de grace, ny
d'honneur.
    Quod me jus cogit, vix vol untate
impetrent
.
    Où la necessité me tire, j'ayme à lacher la volonté.
Quia
quicquid imperio cogitur, exigenti magis, quam præstanti acceptum
refertur
. J'en sçay qui suyvent cet air, jusques à
l'injustice : Donnent plustost qu'ils ne rendent, prestent
plustost qu'ilz ne payent : font plus escharsement bien à
celuy, à qui ils en sont tenus. Je ne vois pas là, mais je touche
contre.
    J'ayme tant à me descharger et desobliger, que j'ay parfois
compté à profit, les ingratitudes, offences, et indignitez, que
j'avois reçeu de ceux, à quiou par nature, ou par accident, j'avois
quelque devoir d'amitié : prenant cette occasion de leur
faute, pour autant d'acquit, et descharge de ma debte. Encore que
je continue à leurs payer les offices apparents, de la raison
publique, je trouve grande espargne pourtant à faire par justice,
ce que je faisoy par affection, et à me soulager un peu, de
l'attention et sollicitude, de ma volonté au dedans.
Est
prudentis sustinere ut cursum, sic impetum benevolentiæ
.
Laquelle j'ay trop urgente et pressante, où je m'addonne :
aumoins pour un homme, qui ne veut estre aucunement en presse. Et
me sert cette mesnagerie, de quelque consolation, aux imperfections
de ceux qui me touchent. Je suis bien desplaisant qu'ils en
vaillent moins, mais tant y a, que j'en espargne aussi quelque
chose de mon application et engagement envers eux. J'approuve celuy
qui ayme moins son enfant, d'autant qu'il est ou teigneux ou
bossu : Et non seulement, quand il malicieux ; mais aussi
quand il est malheureux, et mal nay (Dieu mesme en a rabbatu cela
de son prix, et estimation naturelle) pourveu qu'il se porte en ce
refroidissement, avec moderation, et justice exacte. En moy, la
proximité n'allege pas les deffauts, elle les aggrave plustost.
    Apres tout, selon que je m'entends en la science du bien-faict
et de recognoissance, qui est une subtile science et de grand
usage, je ne vois personne, plus libre et moins endebté, que je
suis jusques à cette heure. Ce que je doibs, je le doibs simplement
aux obligations communes et naturelles. Il n'en est point, qui soit
plus nettement quitte d'ailleurs.
    nec sunt mihi nota potentum
Munera
.
    Les Princes me donnent prou, s'ils ne m'ostent rien : et me
font assez de bien, quand ils ne me font point de mal : c'est
tout ce que j'en demande. O combien je suis tenu à Dieu, de qu'il
luy a pleu, que j'aye reçeu immediatement de sa grace, tout ce que
j'ay : qu'il a retenu particulierement à soy toute ma
debte ! Combien je supplie instamment sa saincte misericorde,
que jamais je ne doive un essentiel grammercy à personne !
Bien heureuse franchise : qui m'a conduit si loing. Qu'elle
acheve.
    J'essaye à n'avoir expres besoing de nul.
     
    In me omnis spes est mihi
. C'est chose que chacun peut
en soy : mais plus facilement ceux, que Dieu à mis a l'abry
des necessitez naturelles et urgentes. Il fait bien piteux, et
hazardeux, despendre d'un autre. Nous mesmes qui est la plus juste
adresse, et la plus seure, ne nous sommes pas assez asseurez. Je
n'ay rien mien, que moy ; et si en est la possession en partie
manque et empruntee. Je me cultive et en courage, qui est le plus
fort : et encores en fortune, pour y trouver dequoy me
satisfaire, quand ailleurs tout m'abandonneroit.
    Eleus Hippias ne se fournit pas seulement de science, pour au
giron des muses se pouvoir joyeusement esquarter de toute autre
compagnie au besoing : ny seulement de la cognoissance

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