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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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m’expliquer ce que vous faites sous mon lit, commissaire ? »
    À son grand soulagement, Tron entendit alors une voix de femme pousser un juron en vénitien et un broc en porcelaine claquer contre une plaque en marbre. Les pieds s’approchèrent du lit et s’immobilisèrent tout près de lui. Sous la bordure de la courtepointe, Tron aperçut l’extrémité d’une chaussure en toile noire. Bientôt, les pas s’éloignèrent. Il entendit deux portes se refermer et se demanda qui avait prétendu que les femmes de chambre n’avaient pas la clé de la suite royale. Ah, oui ! Spaur. Il l’avait cru, évidemment, puisque le commandant en chef occupait depuis des années une chambre au Danieli .
    Une heure plus tard, le commissaire racontait à Maximilien :
    — Je pouvais carrément les sentir, ces maudites photographies.
    Cette phrase n’avait aucun sens, mais il trouvait qu’elle sonnait bien. Tron, opiniâtre limier, était tombé sur un os trop dur, même pour ses crocs. Il se félicitait d’avoir employé d’instinct le terme de maudite qui conférait à son incursion dans les appartements de l’ambassadeur le caractère d’un raid dangereux. On aurait dit qu’il avait arrêté une troupe de choc débarqué froidement dans le quartier général d’un ennemi.
    En réalité, une fois remis de l’émotion causée par l’arrivée de la femme de chambre, il avait quitté la suite royale, les jambes en coton. Bossi avait rapporté à la réception la clé qu’il prétendit avoir trouvée devant l’hôtel. Puis le commissaire et lui avaient observé le Novara depuis le café Oriental et Tron était monté à bord peu après le départ des deux Mexicains.
    Les nouvelles qu’il apportait n’avaient rien de glorieux. Voilà sans doute pourquoi, se dit-il en lui-même, il avait automatiquement cédé à un jargon qui flattait l’amour de Maximilien pour les termes virils et militaires. L’archiduc avait de nouveau revêtu son uniforme de contre-amiral bien que, d’après ce que voyait Tron, il usât d’une grande liberté dans l’application des consignes. Les larges bandes dorées qui recouvraient les coutures de son pantalon semblaient sorties tout droit de l’imagination d’un costumier.
    — Nous pouvons faire une autre tentative, proposa l’archiduc en tendant la coupe de champagne que Beust remplit, sauf erreur, pour la troisième fois en un quart d’heure.
    — Et le cadenas ?
    L’objection n’arrêta pas Maximilien.
    — En fin de semaine prochaine, je serai de nouveau à Trieste – en compagnie de l’ambassadeur… qui ne le sait pas encore, ajouta-t-il avec un petit sourire. Vous disposerez ainsi d’au moins quarante-huit heures pour forcer la serrure.
    En espérant que la femme de chambre ne vienne pas le déranger une nouvelle fois, se dit Tron. Devait-il leur confier que la théorie de la clé unique reposait sur une information erronée fournie par Spaur ? Non, mieux valait éviter. Aux yeux de Maximilien, sa crainte pourrait passer pour de la dérobade.
    En se levant, le commissaire constata une certaine raideur dans les articulations. Visiblement, la terreur qui l’avait paralysé à l’arrivée de la femme de chambre n’était pas encore tout à fait disparue.

39
    Lorsque le serveur en livrée eut soulevé la cloche en argent qui recouvrait le plat et fait un pas en arrière, Spaur adressa un sourire à Tron assis en face de lui.
    — Du haggis  ! annonça-t-il joyeusement.
    Sa lavallière verte à pois rouges lui donnait une allure bohème.
    — Une spécialité écossaise, précisa-t-il. De la panse de brebis farcie avec du cœur, du poumon et du foie.
    Il inclina sa tête dans un geste bienveillant.
    — Je me suis dit que, pour une fois, j’allais vous proposer un plat exotique.
    En vérité, il lui faisait goûter tous les lundis des mets inconnus. Le commissaire et lui se retrouvaient une fois par semaine au restaurant du Danieli pour déguster des tripes, des rognons ou des abats. Sans doute le commandant en chef avait-il désormais deviné que leur prétendue passion commune pour le Beuscherl reposait sur un malentendu, mais il avait décidé de s’en moquer. Tron se demanda s’il forçait également Mlle Bellini à manger régulièrement des Beuscherl du chef et des Kuttel-geröstl . Sans doute que non.
    Comme la brume matinale, épaisse et impénétrable, continuait de peser sur la ville, les clients du Danieli n’avaient pas éprouvé une folle

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