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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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d’accompagnement.
    Tron admira l’aisance avec laquelle son supérieur avait débité cette phrase relativement complexe. Il but une copieuse gorgée de cognac écossais que Spaur avait commandé en même temps que le haggis . Comment les Écossais appelaient-ils leur cognac déjà ? Le commandant en chef lui avait appris le nom en début de repas, mais il l’avait oublié.
    — Ne peut-on pas s’adresser directement à Toggenburg ? suggéra-t-il.
    — Pour obtenir plus vite le répertoire des codes ?
    — Non. Pour le prier d’avoir une discussion avec ce Malparzer.
    — Vous voulez dire : lui expliquer que son jugement est stupide ?
    — Oui. Cela nous épargnerait le détour par Vienne.
    Le commandant en chef fit une grimace indécise.
    — Si je le prie de m’aider, Toggenburg me réclamera un service tôt ou tard. Or avec lui, on ne sait jamais.
    Spaur trifouillait dans sa purée d’un air morose. Il allait sans doute amorcer un assez long discours sur le caractère médiéval de la censure quand le sergent Guardi fit irruption près de leur table. Ni le commissaire ni lui ne l’avait vu traverser la salle.
    Le policier salua dans les règles, quoique de manière guindée. Les nombreux officiers de haut rang et le public élégant en train de déjeuner semblaient le rendre nerveux. Il tenait à la main un papier plié en quatre qu’il tendit à Tron.
    — De quoi s’agit-il, sergent ?
    Guardi s’éclaircit la voix.
    — Un message du sergent Bossi, commissaire.
    Le billet était assez confus, du moins en ce qui concernait les détails du crime. Tron but une dernière gorgée de cognac écossais, puis se redressa et posa les mains sur les accoudoirs de sa chaise.
    — Une personne de sexe féminin a été assassinée sur le rio della Verona, expliqua-t-il d’une voix lente.
    Spaur, toujours préoccupé par l’infâme Malparzer, ne manifesta qu’une curiosité modérée. Il releva paresseusement les yeux de son assiette.
    — N’est-ce pas là que cette Slataper a été tuée ?
    Tiens ! Il se souvenait donc de l’adresse. Ce qui ne voulait pas forcément dire qu’une broutille telle qu’un crime l’intéressât outre mesure. Surtout à l’heure où la liberté de la parole poétique était en jeu. Lorsque le commissaire se leva, le commandant en chef brandit son verre, découvrant ainsi une manchette bleu clair, et déclara :
    — Je vais parler à Toggenburg demain matin.
     
    Au premier coup d’œil, un innommable chaos semblait régner dans l’appartement du rio della Verona : on avait répandu des papiers dans toutes les pièces, jeté les vêtements par terre, retourné les tiroirs en hâte. À mieux y regarder, pourtant, Tron eut le sentiment que l’assassin qui avait mis à sac le logement (après avoir défoncé le crâne de signora Saviotti) avait procédé avec minutie et méthode.
    Dans la salle de séjour, l’étoupe du capiton sortait par une longue entaille pratiquée dans le canapé. Dans la chambre à coucher, le matelas – un modèle de qualité, sans doute encore un cadeau de l’archiduc – était également éventré. Au-dessus du lit, une partie du lambris avait été arrachée dans l’espoir d’y trouver… on ne sait quoi.
    Signora Saviotti gisait presque exactement à l’endroit où elle avait découvert Anna Slataper quinze jours plus tôt. Bossi avait disposé avec application autour d’elle toute une série de lampes à pétrole munies de réflecteurs, comme pour attirer l’attention, une nouvelle fois, sur le fait que la police vénitienne n’était toujours pas en mesure de réaliser des clichés criminalistiques.
    Si Anna Slataper avait fait belle figure jusque dans la mort, la femme de ménage, elle, se résumait au petit être ratatiné qu’elle avait été de son vivant. Le coup l’avait atteint de plein fouet à la tempe gauche et avait projeté son corps malingre au centre de la pièce. Elle avait dû aussitôt perdre connaissance. Tron ne pensait pas qu’elle se fût défendue. Le visage déformé par une étrange grimace, elle était allongée sur le côté gauche, les genoux repliés dans un ultime réflexe. Son bras droit, légèrement tordu, reposait sur la hanche. Ses doigts filandreux pointaient vers le haut, comme pour s’emparer de quelque chose en dépit du décès.
    De manière curieuse, le coup n’avait pas endommagé la coiffure relevée avec soin. La bonne douzaine de pinces et d’épingles qui fixaient les

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