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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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en bas ?
    Il voulait bien entendu parler de la gondole de police car, en règle générale, celle des Tron était réservée à la comtesse.
    Le sergent Bossi fit oui de la tête. Le commissaire se mit en mouvement.
    — Alessandro ?
    Le majordome n’avait pas attendu qu’il l’appelle. Il s’avança, la redingote sur le bras gauche, le haut-de-forme et la canne en ébène – un cadeau de la princesse sans lequel Tron ne sortait plus – dans la main droite.
    Au moment où Tron quitta la sala degli arazzi , la comtesse leva un bref regard vers son fils, puis elle tendit la main vers la bouteille de grappa. La tache de café sur la nappe faisait penser à du sang.

5
    Peu avant une heure de l’après-midi, la princesse débarqua sur la rive ouest de la sacca 1 della Misericordia et ordonna au gondolier de l’attendre. Il ne pleuvait presque plus, mais de ce fait, le brouillard était revenu. Une nappe dense et immobile pesait sur l’eau et dissimulait tout ce qui se trouvait à plus de vingt pas – au grand contentement de la princesse.
    Avant de quitter le palais Balbi-Valier, elle avait pris soin de choisir les vêtements les plus discrets possible. Elle portait une simple robe en laine sous une cape marron, fixée autour du cou par une agrafe. Un foulard cachait ses cheveux et une partie de son visage. La brève missive qu’elle avait reçue n’exigeait pas d’elle la discrétion, mais elle préférait ne courir aucun risque.
    Quatre ans s’étaient écoulés depuis son départ inopiné de Paris. Ils n’avaient même pas pris congé l’un de l’autre ; le petit billet qu’elle avait trouvé le lendemain de son départ ne méritait pas le nom d’adieu. Il était – pour employer l’expression consacrée – sorti de sa vie. Le plus étrange était qu’à l’époque, elle s’en était réjouie. Peut-être parce qu’elle avait senti qu’il représentait un danger pour elle ou – pire encore – elle, un danger pour lui.
    Longeant le rio della Madonna dell’Orto plongé dans la brume, elle passa devant des bâtiments délabrés (le nord de Cannaregio n’était pas vraiment une zone fréquentable). Peu après l’église, elle aperçut la maison et le passage décrits dans sa lettre. Le boyau sombre puait le poisson et débouchait sur un jardin à l’abandon, traversé par un étroit sentier qui donnait sur une porte en bois, comme il l’avait annoncé.
    Tandis qu’elle cherchait en vain une sonnette, elle constata qu’elle était trempée de sueur et hors d’haleine. Elle s’appuya un moment contre le chambranle de pierre pour reprendre sa respiration, puis elle frappa. Il avait dû l’épier à travers les persiennes car à peine avait-elle tapé que le battant s’ouvrit. Une voix plus dure et plus nette que dans sa mémoire dit :
    — Entre, Maria.
    Elle obéit aussitôt. Il lui fallut plusieurs secondes pour que ses yeux s’habituent à la pénombre du couloir et distinguent son visage qui semblait s’être creusé au fil des ans. Les rides des deux côtés de sa bouche étaient plus marquées, ses yeux d’un bleu tirant sur le gris plus rentrés, sa peau mate tannée par le soleil. Cependant, il n’avait pas changé – il était toujours aussi beau.
    Ah, si ! Quelque chose avait changé – tellement manifeste que, malgré l’obscurité, on pouvait difficilement ne pas s’en apercevoir. Étonnée, elle fit un pas en arrière. Il portait une redingote marron foncé, du dernier cri, une chemise et l’habituelle lavallière noire. Elle secoua la tête.
    — Qu’est-ce que cette tenue ?
    Il sourit.
    — Rien. Un déguisement.
    — Tu es toujours… ?
    Il acquiesça d’un mouvement de la tête. Ses sourcils frémirent un court instant, comme si la question l’étonnait.
    — Bien entendu ! Rien n’a changé sur ce point.
    Il l’observait avec attention. Comme elle se taisait, il continua de parler, sans détourner le regard de son visage.
    — Toi non plus, tu n’as pas changé. Du moins pas dans cette lumière.
    Il sourit de nouveau, mais non comme un homme faisant la cour à une femme.
    — Pourquoi ne m’as-tu jamais écrit ?
    Elle s’efforçait d’éviter un ton de reproche.
    — Je ne pouvais pas, répondit-il avec calme.
    La raillerie qu’elle crut percevoir dans sa voix la rassura.
    — Il faut que tu m’expliques cela.
    — Je pensais que tu savais.
    Bien entendu qu’elle savait. Ou, du moins, elle s’en doutait.
    — J’aurais dû

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