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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vous n’y allez point ? » Il s’abstint : on ne dialogue pas avec un crapaud.
    Il fit un pas en arrière, face au prêtre. C’était fini : il allait s’en éloigner à jamais. Frère Béranger fit un geste. Tristan l’interrompit de la main :
    –  Non !
    Alors, une idée lui vint, étincelante : il dégagea lentement son épée du fourreau, tint avec précaution la lame verticale et, l’approchant du visage du clerc, désigna du doigt la croisette 160  :
    –  Le signe du martyre de Notre-Seigneur Jésus. Savez-vous de quel nom j’ai baptisé cette arme ?
    –  Comment le saurais-je, dit frère Béranger, ébahi et prêt à tout.
    Les mots tombèrent comme des coups de taille :
    –  Je l’ai nommée Teresa. Ce sera, croyez-moi, l’épée de la vengeance.
    Frère Béranger exhala un soupir si puissant que l’acier de l’arme se ternit :
    –  C’est la rémission de Dieu qu’il te faut, mon fils. Je puis te l’accorder maintenant si tu y consens… Tu vis dans le péché !
    –  Le péché d’amour… gronda Tristan.
    Il ne s’en allait pas : il fuyait et l’homme et son éloquence malicieuse. Se pouvait-il qu’il eût, même imperceptiblement, raison ? À supposer que ce fut possible, cela ne changeait rien au dessein qu’il s’était forgé, lui, Castelreng. Une résolution d’au tant plus solide qu’elle avait été prompte. Il affronterait le vieux Juif. Quel que fut son accueil et quelque grand que fut son ressentiment, ils guériraient peut-être tous deux en même temps l’angoisse de leur âme et les tourments de leur cœur.
    *
    La vieille servante l’accueillit avec grâce et bonté. Pour elle, c’était chose faite : les deux enfants vivaient en sécurité. En quelques mots et gestes brefs, elle fit comprendre au visiteur que Joachim Pastor, absent, ne tarderait guère. Elle l’introduisit dans la pièce qu’il connaissait. C’était entre ces murs et sous ce plafond lourd que Teresa et Simon avaient conquis son affection.
    Un moment, la poitrine pesante et le souffle anhéleux, Tristan hésita : devait-il rester debout près du seuil ou s’asseoir dans le haut siège de chêne sombre que lui désignait l’aïeule entre les accoudoirs duquel il avait vu le drapier s’installer ?
    Elle disparut, le laissant toujours indécis, plus troublé qu’il ne l’avait imaginé en venant : apeuré, incapable d’imaginer autre chose que de frapper ses poings l’un contre l’autre pour conjurer un émoi terrible. Il alla s’immobiliser près d’une fenêtre et se confina dans l’examen des losanges de verre glauque sertis de plomb, puis dans la contemplation de la courette où Simon aimait à jouer, attirante comme un abîme sur lequel par malheur il se serait penché. Parfois son front brûlant touchait la vitre fraîche. Il imaginait Teresa gourmandant son frère ou riant avec lui ; Teresa rejetant les longues tresses soyeuses que des mains sales et sacrilèges avaient sûrement empoignées. Se retournant pour échapper à l’espèce d’envoûtement où il s’enfonçait, il retrouva dans cette lumière de sous-bois due au ciel d’orage, la longue table encombrée de rouleaux et cédules, les coupons d’étoffes dont la beauté lui importait peu, et au-delà, l’armoire à deux portes simples au milieu desquelles des plantations de clous de cuivre figuraient l’étoile de David.
    Las d’être debout, il allait enfin s’asseoir quand il reconnut la voix du maître dans le flot de celle, excitée, de la servante. L’ac cent légèrement sec, la vibration comme languissante ou souffreteuse, lui pénétrèrent l’esprit et le corps. Il frissonna. Cette voix demeura comme un écho prolongé dans ses oreilles longtemps après que Joachim Pastor se fut tu. Le glissement des pas soudain se fit entendre et le vieillard parut dans la pénombre du soir, une chandelle à la main.
    –  Eh bien, chevalier, dit-il tout en allumant les sept mèches d’une ménorah. Je vous ai entrevu…
    –  Moi aussi.
    –  Votre retour inattendu confirme mes craintes.
    J’ai senti ces jours derniers, au-dessus de nos têtes, une épée rouge et flamboyante… diabolique. Je me suis préparé au pire. J’ai prié. Je me suis dit qu’ils étaient en sauvement 161 car à Burgos, après votre départ, quelques enfants de notre quartier ont disparu. Il y a tout juste une semaine, on a découvert une fosse hors des murs. Garçons et filles mêlés… Vous

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