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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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éclaircissement dont il n’avait nul besoin, à vrai dire.
    –  Je m’étais préparé à perdre ces enfants… Je les perdis, en fait, quand vous êtes partis.
    La main sur ce vieux cœur qui battait certainement avec une force éperdue, épuisante, Joachim Pastor s’approcha de la fenêtre et leva les yeux au ciel. Dans un silence d’où Tristan se sentit exclu, sa rancune s’exprima, chevrotante et solennelle :
    –  Tu es trop équitable, ô Éternel, pour que je récrimine contre toi. Cependant, je voudrais te parler de   Justice. Pourquoi la voix des méchants est-elle prospère ? Pourquoi vivent-ils en sécurité tous les auteurs de perfidies ? Tu les plantes et ils portent racine, ils croissent et portent leurs fruits (440) .
    La véhémence du vieillard avait décliné à mesure qu’il s’exprimait. Sa grandeur d’âme se révélait dans l’acceptation du voyage qu’il avait parcouru degré par degré dans l’infini des saisons et qui se concluait avec l’annonce de la fin de son sang. Il n’avait plus rien à percevoir – ni gages ni bénéfices -, il n’avait plus à se prouver et à prouver sa compétence en affaires. Sans doute avait-il dû endurer des revers, des mépris, des aversions : il n’était pas homme à se laisser dominer par le chagrin quelle qu’en fut l’ampleur. Cette sorte de vertige qu’offrait la complète solitude aux êtres suffisamment aguerris pour la supporter le maintenait au-dessus de l’épreuve qui lui était imposée. Sa double blessure saignait d’abondance. Il n’en avait jamais éprouvé de plus violente, de plus profonde et imméritée, mais rien de tout cela ne devait peser dans la balance de son jugement sur ce chevalier dont, il le devinait, le chagrin se doublait d’une honte infinie.
    –  Je me suis abusé sur ma vaillance, avoua Tristan. J’ai péché par présomption.
    –  Non !… Je me porte garant de votre intégrité. Vous êtes pur et vivez parmi des hommes haïssables. Vous avez tenu, bien que non coupable d’actions mauvaises, à vous redimer par un acte devant lequel le Cid lui-même eût hésité… C’est pourquoi je vous conserve mon gré 163 .
    Tristan s’inclina, les yeux embués, la gorge sèche. À subir, depuis sa jeunesse prime, l’influence d’événements souvent aventureux dont il n’avait cessé – vainement quelquefois – de tirer les conséquences, il y avait longtemps qu’il avait renoncé à cet évangile de fraternité humaine dans lequel, issue des enseignements de son père, des leçons de l’existence et de ses lectures épiques, sa pensée s’était éduquée, façonnée puis fortifiée. De loin en loin, deux grandes questions complémentaires avaient défié son entendement : existait-il une recette de bonheur ? Et le bonheur existait-il ? Il se disait : « Comment vivre ? Com ment aimer ? Comment différencier l’amour de l’affection ? Comment servir la cause d’un roi même si l’on désapprouve ses excès et condamne ses absurdités ? » Solide, mais inachevé, incomplet et peut-être par trop sensible, atteindrait-il l’entéléchie comme les preux de ses romans et les chevaliers vrais, entrés dans la légende : Roland, Perceval, Lancelot et les autres ? N’était-il pas advenu, à ces parangons de vertu, de commettre des vilenies que les années ou leurs admirateurs avaient progressivement occultées ? Lui, Tristan, à vouloir faire le Bien s’était heurté au Mal sans le pouvoir vaincre. Pourquoi ? Il s’était interrogé maintes fois à propos de cette iniquité lors de méditations silencieuses, sur sa couche, à pied ou à cheval. Maintenant, devant ce vieux Juif plus résistant que lui à la douleur et à l’affliction, il s’interrogeait encore sans parvenir à démêler l’écheveau de ses repentirs, de ses excuses et de leurs contradictions. «  Ne vous chapitrez point  », lui répétait Paindorge, « C ’est la guerre. Elle seule est comptable de ce double trépas. » Non ! Non ! Une certitude l’éblouissait : il en avait assez de la guerre et particulièrement de celle-ci ! Assez des champs où les batailles s’entretuaient, assez des embûches infâmes.
    Gémissements des guerriers, plaintes des chevaux qui, pas plus que les hommes, ne comprenaient rien à leur sacrifice. Herbe rouge abreuvée de sang. Nuées écarlates. Tous ces hommes sortis de la même matrice  étaient-ils les fils de Dieu ou du Diable ?
    –  Le fiel de la

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