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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que l’épuisement physique et quelques entailles peu profondes fussent en cause. Tristan se demanda si ces seigneurs grands et petits étaient, comme lui, tourmentés par la honte. Il n’apparaissait pas qu’elle les eût effleurés. Une gêne, tout au plus, en titillait certains qui peut-être les préparait à accepter de bon cœur leur condition d’otage. À la flétrissure du teint s’ajoutait celle d’une condition qui les désobligeait envers leurs pairs plus encore qu’envers leurs vainqueurs.
    –  Et les piétons, messire ? Où sont-ils ? Qu’en ont-ils fait ? Vers quoi les mène-t-on ?
    C’était bien du Paindorge tout cru que cette inquiétude.
    « Nous ne différons guère, nous, de nos vainqueurs. La bonne gent qui nous regardera dans les cités pourra se méprendre. »
    Voire. Déjà, des hommes et des femmes au sortir de leur maison isolée, en laquelle ils avaient tremblé avant la bataille, les regardaient passer, visiblement soulagés. Le Bègue de Villiers leur faisait risette, ajoutant ainsi l’abjection à un opprobre dont il ne mesurait pas l’immensité. Quelques-uns se roidissaient dans leurs lambeaux de mailles pour cacher leur chagrin ou donner à penser qu’ils étaient des vainqueurs. D’autres essayaient d’échanger quelques mots avec des gardes qu’ils eussent meurtri sans hésiter s’ils avaient obtenu la victoire. Çà et là, on voyait des corps nus sur le sol. Ils y pourriraient car le respect aux morts exigeait qu’on les y laissât. Il y avait aussi des chevaux foudroyés par quelque dondaine ou sagette décochée de près. Dans le vert sombre des herbes boueuses, ils ressemblaient à des statues jetées à bas de leur socle. Des milans et des freux commençaient à les mordre.
    Soudain, les prud’hommes et les piétons s’immobilisèrent : une trentaine de cavaliers venaient d’apparaître à la dextre du convoi au bout duquel quelques chariots précédaient la litière, vide, du prince de Galles.
    –  Des Anglais et des Castillans, dit Paindorge.
    –  Rien ? hurla Pèdre quand ils s’approchèrent.
    –  Non, sire.
    Tristan se tourna vers son écuyer :
    –  Jusqu’à Burgos, ils chercheront les fuyards. J’aimerais savoir ce qu’Édouard a en tête. Il ne pourra rester longtemps auprès d’un homme qu’il abomine… Nous allons à Burgos et de là, certainement, à Bordeaux.
    À la vesprée, après qu’ils eurent mis pied à terre, les prisonniers furent assemblés en un champ et placés sous surveillance, sauf Guesclin qui réintégra le tref et la table du captal de Buch. Tristan se refusa de prendre part à l’indignation des prud’hommes. Guesclin ne l’intéressait que dans la mesure où il pourrait le préjudicier. De plus, la blessure de Paindorge lui donnait du souci. Non point que son état eût empiré, mais il eût fallu nettoyer la plaie du muscle poplité puis serrer le jarret dans un bandage propre. Il s’en ouvrit à Shirton et reçut l’assurance d’obtenir son aide. L’archer ne revint point.
    On partit pour Burgos. Pèdre voulait y arriver le matin du lendemain lundi (523) . Toute la bonne gent devait trembler dans ses maisons verrouillées. La grande liesse et les solennités annoncées par quelques messagers ne coïncideraient pas avec les espérances du roi.
    Le prince de Galles refusa de partager auprès de son allié l’honneur d’entrer triomphalement dans la cité du sacre. Il irait hosteler (524) , dit-il, à Briviesca. Il était certain qu’après les crimes perpétrés par Guesclin, il y serait bien accueilli. La séparation se fit à Villafranca Montes de Oca. Pèdre proposa de se charger des prisonniers ; le prince repoussa son offre.
    Les chevaliers français n’entrèrent point en ville. Tristan put entrevoir dans le couchant le moignon de l’église où avaient péri tant de Juifs. Il put entendre aussi les invectives dont, du haut de leurs murailles en voie de consolidation, les Briviesciens accablaient les vaincus. Audrehem s’en plaignit. La mémoire lui faisait défaut quand sa conscience risquait d’être exposée à l’aiguillon d’un remords.
    Édouard fut devant Burgos le mercredi 7 avril. Comme Pèdre tardait à l’accueillir, il manda aux bourgeois qu’ils lui remissent les clés de la cité s’ils voulaient s’épargner des déceptions de toute sorte. L’évêque se présenta pour le recevoir avec un respect sous lequel frémissait une frayeur maligne : il avait dû

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